C’est un endroit minuscule, à peine dix personnes peuvent tenir à l’intérieur. Alors, on mange dehors, sur le trottoir, assis sur un banc ou à la terrasse du bar voisin. A Bologne, Valéria est une reine qui règne sur le monde sacré de la “Pasta”. Avec sa mère et sa fille, elle régale les Bolognais depuis 1985. Le succès est considérable, mais rien n’a changé depuis les débuts, la simplicité, l’extrême scrupuleuse qualité et par dessus tout l’amour débordant des gens et de la vie !
Elle a constamment le sourire et quand elle vous regarde vous aimeriez qu’elle soit votre amie pour la vie. Dans son minuscule établissement, à dix minutes du centre ancien de Bologne, Valeria Naldi a créé une fabrique de pâtes fraîches. La salle est partagée en deux par un comptoir : devant, deux tables bistrots, quelques tabourets, des tablettes fixées au mur , quatre mètres carrés, guère plus, toujours bondés ; derrière, Valeria reçoit les commandes, sa fille prépare les portions, et sa mère emballe soigneusement de papier blanc chaque barquette de pâtes à emporter.
Le brodo : dashi italien !
Quand Valeria a décidé d’ouvrir ce lieu, elle souhaitait faire les choses le mieux possible, utiliser les produits les plus authentiques, les plus sains, tout est bio ou presque, la mortadelle qui entre dans la fabrication de la farce de ses remarquables tortellini est garantie sans polyphosphates. Les tortellini in brodo de Valeria sont des merveilles d’équilibre, onctueux et fermes à la fois, texture idéale, saveurs profondes, enveloppantes, une expérience mystique disent certains clients. Comme le veut la tradition, le brodo de Valeria est un consommé de chapon. Le brodo est à l’Italie ce que le dashi est au Japon : un acte de foi. Ce consommé doit être corsé, filtré pour être limpide, dégraissé pour qu’aucunes traces huileuses ne luisent en surface. Les tortellini, dont la légende dit qu’elles imitent la forme du nombril de Vénus, cuisent dans ce bain parfumé.
Valeria sait prendre le temps nécessaire pour que chaque chose trouve son plus bel épanouissement gustatif : le brodo est réalisé sur deux journées. Pour faire ses exceptionnelles lasagnes à feuilles vertes, il faut deux heures de travail pour la pâte et une journée de mijotage pour la sauce al ragu, ensuite tous les ingrédients reposent une journée entière. Enfin, après avoir dégusté les pâtes, il est indispensable de finir sur la sublime pana cotta, qui pourrait damner la Curie entière si ce n’était pas déjà fait.
Une des dix raisons de venir à Bologne
Valeria sert les portions et chacun s’en va ensuite les déguster bien vite là où il le souhaite, il faut laisser la place aux autres qui attendent dans la rue. On revient payer plus tard, cela permet de gagner du temps, de fluidifier le service. On paye après avoir consommé et cela n’inquiète nullement Valeria qui est certaine de voir revenir les clients : « Si les gens ne reviennent pas payer, ils savent qu’ils ne pourront plus jamais manger mes pâtes, alors…” Alors, tout le monde vient s’acquitter de la modeste somme, les portions qu’elles soient de tortellini, de lasagne vertes, de tagliatelle, voire de polenta en saison, ne dépassent guère les dix euros. D’ailleurs, un récent sondage réalisé auprès des étudiants italiens, listant les dix raisons de venir étudier à Bologne, plaçait dans ce “top ten” les plats de pâtes de Valeria !
Et pourtant Bologne ne manque pas de belles adresses. Un des surnoms de la ville est la “Grassa”, en hommage à la richesse de sa gastronomie. L’une des plus célèbres est incontestablement le restaurant de Daniele Minarelli “All’Osteria Bottega”. Là aussi, les tortellini in brodo sont magnifiques, tout comme l’ensemble des charcuteries d’Emilie-Romagne servies généreusement : mortadelle, bien sûr, mais surtout la magnifique Coppa di testa, ou le Culatello di Zibello. Daniele est un personnage charismatique, au verbe leste, à l’humour cinglant, il prend lui-même les commandes et commente chacun de vos choix, vous encourage ou vous dissuade, argumente longuement si vous ne vous rangez pas à son avis. Ici, passer commande ressemble davantage à la signature d’un traité international : les négociations peuvent durer toute la nuit…
Enologica festival !
La vigueur gastronomique de la ville est mise en valeur chaque année par un festival :“Enologica” . Il se tenait cette année fin novembre, occasion unique de découvrir les vins d’Emilie-Romagne, et tout particulièrement le Sangiovese. Mais au-delà de ces rencontres avec les producteurs, c’est bien la culture, au sens très large d’un territoire, qui était valorisée au cœur du magnifique palais Re Enzo, construit au XIIIème siècle : « La culture, c’est toujours ce qui est l’essentiel d’une terre, d’une société, souligne Giorgio Melandri, organisateur de cet événement.» Pendant les trois journées de ce festival, des chefs cuisinaient en direct devant le public, avec pour seule contrainte de mettre en valeur toute l’étendue du patrimoine gastronomique locale. Les tortellini in brodo étaient évidemment au programme. Le chef s’en souviendra… Ses pâtes étaient fort réussies, mais lors de la dégustation chacun y est allé de son commentaire : « Ma mère ne faisait pas comme ça…”, “Ma tante m’a toujours dit que pour le brodo…”, « Ma grand-mère était inflexible sur ce point : la pâte doit …” Que l’Italie est belle !
Adresses :
Pasta Fresca Naldi - Via del Pratello, 71/A - Bologna - Tél : 051523288 - Ouverture : du mardi au dimanche de 9H30 à 14H00, vendredi et samedi de 19H00 à 23H00. Fermé le lundi.
All’Osteria Bottega - Via Santa Caterina, 51 Bologna - Tél : 051585111 -