Un petit goût de Géorgie à Paris

Nadoughi, fromage fait de petit lait de chèvre, parfumé de persil et de graines de grenade.

Phkhali, khatchapouri, adjika, tchatcha, vous connaissez ? A moins d’avoir visité un jour la Géorgie, sans doute pas. Les grandes capitales ont ceci de plaisant qu’elles nous offrent le monde à portée de métro. La destination du jour est la station Marcadet-Poissonnier, dans ce quartier populaire du 18ème arrondissement, se trouve une petite cantine géorgienne, “La Colchide”. Le temps d’un déjeuner ou d’un dîner, le voyage est garanti sans turbulence : cap vers Tbilissi et au-delà…

Un Géorgien vous dirait qu’il n’y a pas une cuisine géorgienne mais des cuisines géorgiennes, que ceux de Kakhétie, au sud-est, ne font pas comme ceux du Ratcha à l’ouest, ou comme ceux de la Khevsourétie au nord. Vu de loin, c’est compliqué, mais une spécialiste de mes amis m’a assuré qu’il faut se souvenir de ceci : dans les pays de plaine, l’huile domine alors que le beurre appartient aux montagne… C’est sans doute radical, mais voilà de la “géogastronomie” compréhensible.
Au “Colchide”, sympathique cantine ouverte il y a quelques mois, le patron, Dadchi Chaganava, ne fait pas dans l’ostracisme régional et l’on trouve dans ses assiettes toute l’étendue des saveurs géorgiennes, qu’elles soient du nord, du sud, de la plaine ou des montagnes. Éclectisme idéal pour un voyage autour d’une table.
Très vite à la lecture des plats, vous vous rendrez à l’évidence : sans les noix, il n’y aurait pas de cuisine géorgienne. Elles sont pilées finement, malaxées jusqu'à l’exsudation de l’huile, et mélangées avec de l’ail, du safran, de la coriandre et des purées de légumes : épinards, betteraves, par exemple. Ces préparations sont toujours servies avec d’indispensables grains de grenade.
On les retrouve unies à de fines tranches d’aubergines grillées, ou encore en sauce chaude pour l'accompagnement d’un poulet braisé.
Autre surprise, l’utilisation immodérée de l’estragon. Il parfume jusqu’aux limonades de la marque Laridze, que l'on peut acheter à l’épicerie du restaurant. Mais c’est avec le Tchakapouli que l’estragon prend toute sa mesure, ou plutôt sa démesure. Il s’agit d’un agneau braisé avec des bottes et des bottes d’estragon, des meules d’estragon. Et c’est délicieux, l’herbe donne sa tonicité anisée et poivrée au jus qui inonde la chair.
De plats en plats, le voyage se fait, rafraichi de vins rouges soyeux et profonds, la Géorgie a vu naître les premiers vins de l’histoire. Les fromages sont bien présents aussi dans cette cuisine simple et paysanne, notamment dans l’indispensable khatchapouri, un pain doré, rond comme une galette, fourré au fromage fondant; sans oublier le Nadoughi, fait avec le petit lait de chèvre, parfumé de persil et de graines de grenade. Un verre de tchatcha, liqueur de fruits, et l'on commence à apprendre quelques mots de Géorgien avec Salomé Kalandia, l’hôtesse charmante du “Colchide”. Après ça, les Argonautes s’en retournèrent dans le métro…

Adresse : Le Colchide - 87, rue des Poissonniers. Tél : 01 73 71 01 60