On ne joue pas avec la susceptibilité nationale, en Ecosse, moins qu’ailleurs. Le haggis est “La” spécialité culinaire que l’on déguste lors des grandes occasions et tout particulièrement pour “Robbie Burns day”, le 25 janvier, jour de naissance du poète Robert Burns, fils favori de l’Ecosse. Bref, on touche au sacré… Mais que connaît-on, nous français, de ce plat ? Souvent peu de chose, des on-dit, pas toujours sympathiques. Samedi soir, la France joue en Ecosse pour son quatrième match du tournoi des six nations, profitons-en pour défiez le haggis !
La première chose qui vient à l’esprit quand on parle du haggis est que l’Ecosse est un pays bien étrange pour faire de la panse de brebis, certes farcie, son plat identitaire. N’y avait-il pas une autre partie du tendre animal plus à même de porter l’orgueil culinaire national ? Il y a là un sens de l’esthétique que l’on peut rapprocher de ce penchant également surprenant de se réjouir au son de la cornemuse… L’Ecosse est certainement une terre de fantaisie. Et c’est pourquoi, nous l’aimons.
Allez, commandons un haggis, une bière bien houblonnée et - n’allons pas jusqu’à écouter un concert de cornemuses, la dose pourrait être fatale et l’on finirait par se lever au garde-à-vous pour chanter “Flower of Scotland”, l’hymne qui résonnera à Murrayfield avant le début du match – goûtons plutôt le monstre, l’Ecosse est également une terre féconde pour les monstres, ne l’oublions pas.
Pour cela une adresse à Paris : “Juvéniles” ! Ce bistrot à vin est tenu, depuis près de 27 ans, par Tim Johnston, Ecossais, à l’origine pur jus, mais tant de vin français a coulé depuis dans ses veines qu’il fait indéniablement partie du territoire national - il est d’ailleurs lui-même vigneron, puisqu’il produit avec Marcel Richaud, un vin de table (vous savez, je pense, qu’il en existe de véritables perles sous cette “non appellation”), le “Purple Fourteen”, qui signe définitivement son intégration au patrimoine commun de l’humanité tricolore -.
Tim reste le seul, ou tout du moins un des rares restaurateurs parisiens, à servir dans son établissement du haggis. La visite s’imposait…
« Cela fait des années que je combats en faveur de ce plat, lance Tim Johnson. Critiquez-le si vous voulez, mais goûtez-le ! Car, souvent, il est dénigré par des gens qui n’en n’ont jamais mangé. C’est quand même dégueulasse de leur part. » Voilà, vous avez compris le personnage : batailleur, mais justicier dans l’âme !
Bon, alors, de quoi s’agit-il au juste ? Premier point, la panse de brebis ne se mange pas. Voilà qui peut soulager les moins téméraires. Elle n’est que le contenant, à l’intérieur duquel va cuire la farce. Deuxième point, cette farce est généralement constituée d’abats d’agneau (cœur, foie, rognons), de céréales (avoine), d’oignons et d’un mélange d’épices où le poivre domine. « Il existe de nombreuses façons de le faire artisanalement, reprend Tim Johnston, et vous pourrez manger des haggis délicieux, d’autres moyennement savoureux et d’autres encore franchement médiocres. Il en va toujours ainsi des plats traditionnels faits par des gens plus ou moins doués en cuisine. C’est pourquoi, à Juvéniles, je fais confiance depuis toujours à la maison MacSween d’Edimbourg. »
MacSween... Une de ces institutions qui décorent une ville aussi fièrement qu’un monument historique. A Edimbourg, elle est l’absolue référence pour le haggis. « J’aime leur assaisonnement, souligne Tim. On sent bien le poivre. » C’est exact.
La farce est servie accompagnée d’une purée de pommes de terre et d’une purée de navets. A Juvéniles, le chef Romain Roudeau qui, nous ne dévoilons aucun secret, est aussi le compagnon de l’adorable Margaux Johnston, la fille de Tim, propose judicieusement une purée de céleris nourrie d’un jus de bœuf. C’est deux-là sont aujourd’hui aux commandes de Juvéniles : « Il fallait un peu de sang neuf, on ne voit pas les choses de la même façon que les gens de 25 ans… », assure Tim, qui reste présent dans les coulisses.
Le haggis tient au corps, il est fait, comme le dit poétiquement Tim, pour les jours de brumes humides. Il est un morceau d’Ecosse tombé dans une assiette. Et c’est pourquoi, nous l’aimons.
Adresse : Juvéniles 47, rue de Richelieu, Paris Ier. Tél. : 01 42 97 46 49. Fermé dimanche et lundi midi.
Où trouver le haggis MacSween : L'Epicerie Anglaise, Ecossaise, Irlandaise de Paris - 5, cité du Wauxhall - 75010 PARIS - Tél. : 01 42 00 36 20 ou 01 42 02 19 17 - www.epicerie-anglaise.com (vente en ligne).