C’est la question que pose Perrine Wardack. Consultante culinaire, elle organise le premier dîner durable le 10 février prochain à Paris : explications !
Rien ne remplace une expérience concrète ! En application de ce beau principe, Perrine Wardack a retroussé ses manches, contacté des chefs, des marques, des fournisseurs et le 10 février prochain, les tables du premier dîner durable organisé en France seront dressées au centre “Cuisine mode d’emploi (s)” de Thierry Marx.
Depuis longtemps, cette jeune consultante est convaincue qu’une restauration durable n’est pas une posture tendance, mais bien une démarche sensée, porteuse d’avenir et de plaisirs. Mais comment convaincre ? Plutôt que d’organiser des débats, des colloques, des symposiums - très indigestes -, Perrine a pris le parti d’organiser ces dîners où, très concrètement, seront mis en application les principes de la durabilité. Fourchette en main, les idées deviennent plus palpables…
« Quand on parle de cette fameuse durabilité en restauration, on se heurte très vite à des incompréhensions, explique Perrine. J’ai voulu créer cet événement pour démontrer qu’il n’y avait rien d’inaccessible, qu’il était possible de s’engager dans ce type de démarche en conservant son identité culinaire. Il ne s’agit pas de renier nos savoir-faire, il s’agit de réfléchir à la façon de les mettre en pratique et de s’interroger sur leur rôle environnemental, économique, sociétal. » Cette soirée est engagée, c’est certain, mais elle refuse de revêtir les habits d’un quelconque militantisme : « Ce sera avant tout un moment de convivialité, un moment festif. N’oublions jamais la finalité de nos métiers, reprend Perrine Wardack. »
Pour réaliser ce dîner, Perrine Wardack a contacté des chefs qu’une même sensibilisé à ces questions réunit. François Pasteau de “l’Epi du Pain” et Cybèle Idelot de la “Table de Cybèle” seront en compagnie de Sanghoon Degeimbre, chef belge doublement étoilé à Liernu, et de Nicolas Darnauguilhem qui, il y a peu, faisait feuler de plaisir les bruxellois dans son restaurant “Le Neptune”, quitté depuis l’été pour de prochaines nouvelles aventures… Côté pâtisserie, Frédéric Dujarrier, créateur d’une SCOP (société coopérative et participative) pâtissière et bio, sera le grand ordonnateur des desserts.
Comment ces chefs traduisent-ils au quotidien leur engagement ? “Je suis née à San Francisco, c’est là où le mouvement locavore a pris son essor, rappelle Cybèle Idelot. Quand Perrine m’a approchée, j’ai tout de suite été OK pour participer. Dans mon restaurant à Boulogne-Billancourt, j’essaie de privilégier des pratiques douces pour l’environnement. D’une manière générale, cela demande un peu de créativité en plus, mais on y arrive très bien. Par exemple, nous fabriquons nous-mêmes notre eau sur place, pas de bouteilles, pas de transports polluants… »
François Pasteau, qui nous a confié il y a peu une petite tuerie du dimanche, privilégie lui aussi des approvisionnements régionaux : « Je ne sers que des poissons sauvages dont les stocks ne sont pas menacés ; pour les viandes, je veille aux conditions d’élevage des animaux. J’entretiens des relations avec mes fournisseurs, je souhaite savoir d’où viennent mes légumes et comment ils ont été cultivés. »
Le champ d’action est vaste : « La durabilité touche aussi bien ces questions d’approvisionnement, résume Perrine, que les aspects liés aux consommations d’énergies, à la gestion des déchets, à l’environnement de travail, au choix des matériaux, à la formation du personnel, à la sensibilisation de la clientèle. » Vaste, vaste… Et sans engrais…
Cette première édition est, mine de rien, un petit événement dans le paysage gastronomique français. Jusqu’à présent, si les chefs s’engageaient chacun de leur côté, rien n’est venu structurer un tant soit peu la démarche, rien n’a été fait pour qu’une visibilité soit dégagée afin que le public puisse reconnaître un restaurant engagé dans des pratiques durables d’un autre moins sensible à ces questions. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Est-ce notre esprit gaulois qui résiste à un mouvement plus formalisé ? En Angleterre une association existe depuis de nombreuses années, “Sustenable Restaurant Association”. Elle est d’ailleurs présidée par un chef français, Raymond Blanc, doublement étoilé au superbe “Manoir aux quat’saisons” à Oxford. Chaque année, notamment, l’association remet un award à un restaurateur reconnu pour ses initiatives en matière de durabilité. L’award 2014 sera remis le 17 février prochain.
Les dîners durables sont peut-être la première marche vers un mouvement plus important ? « Les labels sont une chose, recentre Perrine Wardack, mais pour moi, un restaurant durable dépend avant tout de la sincérité de la démarche entreprise, pas d’un logo apposé en vitrine. Mais, d’accord, les dîners durables peuvent donner un cap. » Alors, embarquons !
Où et quand :
A partir de 18h45, le 10 février – Au centre “Cuisine mode d’emploi (s)” - 114 rue de Ménilmontant, 75020 Paris
Dîner 100 euros, réservation obligatoire sur www.lesdinersdurables.com