En ces temps d'austérité, il y a une mesure qui permettrait de faire des économies au budget de l'Etat; d'améliorer la vie des français; de préserver l'environnement; Aucun inconvénient, que des avantages. Pourtant, cette mesure ne sera probablement pas mise en oeuvre l'an prochain. Cette mesure, c'est la suppression des pièces de 1 et 2 centimes d'euro.
Un coût élevé et croissant pour les finances publiques
Les pièces de un et deux centimes d'euros sont produites par la monnaie de Paris, achetées par l'Etat au coût de production, et revendues au système bancaire à la valeur faciale des pièces. Problème : les pièces de un et deux centimes d'euro coûtent plus cher à produire que leur valeur. Combien? les informations sont variables. D'après le ministère des finances, en 2005, les pièces de un et deux centimes coûtaient respectivement 4,5 et 5 centimes à produire. Pour une production de 500 millions de pièces, cela implique un coût pour le budget de l'Etat de 20 millions d'euros pour l'année. Une estimation plus récente indique un coût de production de trois centimes pour ces pièces, ce qui, pour 500 millions de pièces produites, signifie une perte d'environ 7 millions d'euros par an pour les finances publiques.
A ce coût direct, il faut ajouter les frais de transport et de stockage dans les banques, chez les commerçants, dans les porte-monnaie, les caisses enregistreuses. Et tous ces coûts risquent d'avoir vocation à croître; même si les espèces ont tendance à être moins utilisées, elles le sont encore beaucoup, et les besoins augmentent avec la croissance économique et la hausse des prix - auquel il faut ajouter le coût croissant du cuivre qui sert à les produire. On se retrouve avec de plus en plus besoin de pièces dont le pouvoir d'achat est de plus en plus faible.
Résultat, nous ne sommes pas ravis lorsque les commerçants nous rendent la monnaie avec ces pièces qui garnissent nos porte-monnaies et dont on n'arrive pas à se débarasser; et nous en stockons de plus en plus. Ces pièces en cuivre finissent par garnir des pots en verre ou des tirelires qui prennent la poussière; les mendiants tordent le nez lorsqu'on leur en donne une; en pratique, cela ne vaut même pas le coup de les ramasser par terre, et elles finissent dans les canalisations qu'elles bouchent, dans les égouts, ou dans la nature : une pollution parfaitement évitable. Supprimer ces pièces conduirait les gens à les rapporter, permettant de recycler les matériaux qui les composent.
Suivre les exemples canadiens, finlandais, hollandais
Pourquoi ne supprime-t-on alors pas ces pièces? Parce que les français auraient le sentiment d'une perte de pouvoir d'achat, persuadés que les commerçants en profiteraient pour arrondir les prix aux 5 centimes supérieurs. Mais outre que cela n'est pas du tout certain sur des marchés concurrentiels, il y a un moyen très simple d'éviter ce problème : pour les paiements par chèque ou carte bancaire, on maintient les prix au centime près, puisque cela ne consomme pas de pièces; pour les paiements en espèces, on arrondit aux 5 centimes les plus proches. Un prix se terminant par 1 ou deux centimes est arrondi à 0; un prix se terminant par 3 ou 4 centimes, à 5. En moyenne, donc, cette opération serait neutre pour le budget des consommateurs et rendrait service à tout le monde, soulagé de ne plus avoir à manipuler ces pièces sans intérêt.
Cette opération serait parfaitement possible dans la zone euro; la Finlande, lorsqu'elle est passée à l'euro, n'a pas souhaité utiliser les pièces de un et deux centimes, et ne les produit qu'en petite série, pour les collectionneurs. Les Pays-Bas en ont fait autant en 2004. Cette année, c'est le Canada qui a décidé de mettre fin à la pièce d'un cent de dollar canadien, économisant au passage 11 millions de dollars. En France, on a bien réussi à faire disparaître le centime de franc en 1980.
Alors pourquoi ne pas faire quelques économies en supprimant ces pièces inutiles? Ce n'est certainement pas la mesure la plus efficace pour réduire les déficits publics; il est probable que des gens se plaindraient, affirmant à tort que la mesure permet aux commerçants de leur faire payer.
Mais ce serait un vrai symbole : le gouvernement qui décide de faire une mesure d'économie budgétaire, uniformément bonne pour l'économie nationale, sans céder à la démagogie et à l'ignorance. Ce n'est après tout, pas si fréquent.