La nouvelle n'a pas été relatée par les médias français, mais la compagnie pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) a annoncé son intention de rendre publiques les données de ses essais cliniques.
L'un des grands problèmes de la recherche scientifique est le biais de publication - le fait que les études ne donnant aucun résultat significatif ont beaucoup moins de chances d'être publiées que celles qui donnent des résultats.
Imaginez qu'un nouveau médicament ne soit pas efficace, et qu'on le teste. Par hasard, il y aura de temps en temps des expériences dans lesquelles il semblera efficace: par exemple, s'il est testé sur un groupe de malades qui guérissent naturellement un peu mieux que la moyenne, ou simplement par chance. Tester ce médicament donnera donc un grand nombre de résultats négatifs, et quelques résultats positifs. On se rendra compte assez rapidement alors que pour l'essentiel, ce médicament est inefficace, et que les quelques résultats positifs sont dûs au hasard.
Mais supposez maintenant que seuls les études donnant des résultats positifs soient publiées, que les autres restent dans les ordinateurs des chercheurs qui ont mené l'expérience, sans être jamais mis à la disposition du grand public: dans ce cas, on aura l'impression que le médicament est efficace, alors qu'il ne l'est pas.
Plusieurs facteurs peuvent pousser les chercheurs au biais de publication: lorsqu'ils ont inventé une molécule, ils y croient sincèrement, et ont tendance à trouver plus crédible les tests positifs que les tests négatifs; c'est le biais de confirmation. Ou alors, ils subissent une pression forte de leur organisation pour obtenir des résultats positifs; Ou alors, ils se disent (à juste titre) que les travaux donnant des résultats significatifs ont plus de chances d'être publiés que les autres.
Et cela a des conséquences importantes. Sur la base de cette information incomplète, les autorités sanitaires nationales vont autoriser la mise sur le marché de médicaments et de traitements qui seront au mieux inefficaces, mais coûteux (ce qui grévera les finances des systèmes de santé) au pire, dangereux. Le biais de publication - le fait que des études soient restés non publiées par les entreprises pharmaceutiques - est à l'origine de la plupart des scandales sanitaires des dernières années. Si l'on veut éviter de nouvelles affaires Vioxx ou Médiator, corriger ce biais et rendre publique toutes les recherches effectuées, y compris et surtout celles qui n'ont rien donné, est urgent.
C'est dans ce contexte qu'il faut lire l'annonce de GlaxoSmithKline. S'il ne s'agit pas seulement d'un effet d'annonce, et si les autres laboratoires emboîtent le pas, cela constituerait une énorme amélioration. Mais il y a un problème. Comme l'indique Ben Goldacre (dont le dernier livre, Bad Pharma, est un must read pour tous ceux qui s'intéressent à la médecine et l'industrie pharmaceutique) ce n'est pas la première fois qu'une entreprise pharmaceutique fait ce genre d'annonces: ces promesses n'ont jusqu'à présent jamais été tenues, au contraire. GSK avait d'ailleurs déjà fait cette promesse en 1998... Sans résultats.