Le désespoir

Ce vendredi, Nahoum Barnea, l’éditorialiste de Yedioth Aharonot, décrit ainsi la situation en Cisjordanie : « Mardi dernier, au matin Tsahal a mis en place un barrage dans le village Bani Naïm, au sud est d’Hébron. La décision n’a pas été prise sur la base de renseignements mais à la suite de l’analyse des derniers événements. Deux jeunes du village en sont sortis il y a quelques jours pour commettre des attentats. Ils ne sont pas revenus. L’un d’entre eux a été tué, la seconde est sérieusement blessée. Logiquement un troisième devait venir. Et, effectivement. Il est arrivé. Lorsque les soldats, au barrage, lui ont crié de stopper, il a sorti un couteau en l’agitant. Les militaires ont ouvert le feu pour le blesser. Il est mort.
Ils ne meurent pas pour devenir les martyrs de la Palestine, de l’Islam, ou pour tuer des juifs. Ce sont les martyrs du désespoir.Ils veulent mourir et les soldats sont l’instrument de leur suicide, au contraire de la précédente vague de terrorisme où les militaires étaient leur cible. Braha Ramadan Awahissi, une gamine de douze ans s’est présentée mercredi dernier à un barrage. Portant un sac qui ne contenait ni arme ni couteau, elle n’a pas obéi aux soldats qui lui criaient de s’arrêter. Ils ont ouvert le feu. Aux enquêteurs, elle a expliqué « Mon père gagne un salaire de misère à la municipalité de Kalkilya. Ma mère est au chômage. Je voulais mourir » Elle s’en tire avec une blessure au genou.
»
Barnea poursuit : « […] Après cinquante ans d’occupation, chaque jeune palestinien a un problème personnel. La mort d’un proche ou son emprisonnement. L’humiliation aux barrages. La pression imposée par le Shin Beth, par Tsahal ou par les services de sécurité palestiniens. Les familles désunies etc. Etc. Les problèmes sont les mêmes mais la solution est différente pour ces adolescents. C’est, être martyr. »
La fiction de la paix
La Cisjordanie attend le prochain embrasement. Ce serait l’Intifada du désespoir. Les diplomates européens et américains en poste en Cisjordanie savent parfaitement que la probabilité d’un accord israélo-palestinien sur la solution à deux États – la Palestine indépendante avec Jérusalem-Est pour capitale, aux côtés d’Israël- est quasi nul. La question n’est pas de savoir si l’Autorité autonome va s’effondrer, mais quand et comment. Pour ces raisons: Économiques. Un budget au déficit croissant avec des donateurs de moins en moins enclins à mettre la main au portefeuille pour ce qui est le financement du statu quo de l’occupation israélienne. Sociales : un nouveau « printemps » de la jeunesse palestinienne contre ses dirigeants.
Temporiser
Mais, l’entériner, et publier l’acte de décès du processus de paix aurait des conséquences immédiates pour la région. La remise en cause des traités de paix entre Israël, la Jordanie et l’Égypte, ainsi que les accords avec l’Union européenne. Sans compter la situation sur le terrain, car Israël devrait alors réoccuper les villes autonomes.Ce serait mettre de l'huile sur le feu de Daesh. Dans ces conditions, la communauté internationale, préfère temporiser. Barack Obama exprime son inquiétude face à la poursuite de la colonisation israélienne, et promet de poursuivre ses efforts vers la reprise de négociations. La diplomatie française n’abandonne pas son initiative de conférence internationale. Mieux vaut maintenir vaille que vaille la fiction d’une paix possible. Mais, pour combien de temps?.