Netanyahu et la Palestine. Être pour en étant contre

Il faut écouter Benjamin Netanyahu. Oui, il a bien dit avant le scrutin en Israël, que s’il était réélu, il n’y aurait pas d’état palestinien. Puis, après la publication des résultats et sa victoire électorale, il s’est attaché à calmer la communauté internationale qui poussait des cris d’orfraie. En fait a t-il expliqué à une chaine de radio américaine « Je n’ai pas changé de position ! ». Oui, il est pour une solution à deux états, c’est à dire un état palestinien démilitarisé qui reconnaît la nature de l’état juif (Note : reconnaissant Israël comme l’état nation du peuple juif, ce que refuse Mahmoud Abbas). Mais, a t-il ajouté, dans les circonstances actuelles c’est impossible. Lesquelles ? D’abord la décision des dirigeants palestiniens de signer un pacte avec le Hamas l’an dernier et puis, l’Islam radical s’est installé dans les territoires dont Israël s’est retiré.

Formol
Donc, il est pour, et c’est la faute aux palestiniens s’ils n’ont pas d’état indépendant. Ces explications sont logiques pour toute personne qui ne connaît pas la situation sur le terrain.
D’abord, il faut rappeler que l’accord Fatah-Hamas a fait long feu. Les deux mouvements sont à couteau tiré. Ces dernières semaines, la sécurité palestinienne de Mahmoud Abbas a arrêté des dizaines de militants islamistes en Cisjordanie, notamment pour empêcher des attentats anti-israéliens. A Gaza, les dirigeants locaux du Fatah sont en résidence surveillée lorsqu’ils ne sont pas sous les verrous. Quand au retrait israélien de Gaza en 2005, qui a vu la prise de contrôle du Hamas sur ce territoire, il faut se souvenir qu’il s‘agissait d’une initiative unilatérale d’Ariel Sharon, en interdisant à l’Autorité autonome d’y renforcer sa police. Les services de renseignement israéliens avaient d’ailleurs prévu que dans ces conditions, l’organisation islamiste finirait par y réaliser un coup de force. Des dizaines de militants et de combattants du Fatah avaient été assassinés par le Hamas. Maître Dov Weissglass, le chef de cabinet d’Ariel Sharon avait d’ailleurs déclaré, à l’époque, que l’évacuation de Gaza allait permettre de mettre les négociations dans le formol.

L'autonomie de quatre villes
Voilà.. Le premier ministre réélu est à nouveau en faveur d’une Palestine indépendante et les chancelleries occidentales sont rassurées. En fait, depuis une bonne dizaine d’années elles font preuve d’une belle hypocrisie. A Paris, comme à Berlin où à Washington, on sait que Netanyahu n’a jamais été partisan de la solution à deux états. Il suffit de jeter un œil dans les quelques ouvrages qu’il a publiés. Par exemple dans « Une place au soleil » publié en 1995 : « La vie quotidienne des Arabes peut être conçue différemment dans la réalité du terrain. […] Quand quelques Arabes peuplent une colline isolée, il n’y a aucune raison pour déclarer autonome l’ensemble de la colline. […] Seuls seraient autonomes les centres urbains. Le reste du territoire, peu peuplé, sera exclu de cet arrangement Mais si les Palestiniens font preuve d’une attitude pacifique sincère, il deviendra possible de leur proposer la citoyenneté israélienne… après une période de vingt ans de calme. Et cela, à condition qu’ils prêtent serment d’allégeance à l’État juif et reconnaissent les devoirs qu’ils ont contractés à son endroit. Ceux qui le voudraient pourraient conserver leur citoyenneté jordanienne, comme les millions de résidents étrangers qui disposent d’une autorisation de séjour tout en conservant leur nationalité d’origine. » En attendant, les Palestiniens pourraient bénéficier de l’autonomie dans quatre cantons, dont les chefs- lieux seraient : Jenine, Naplouse, Ramallah et Hébron » ( Benjamin Netanyahu, Makom Tahat Ha Shemesh , Tel- Aviv, Ed. Yedihot Aharonot, 1995 p. 352-353. Voir aussi mon livre : « Au nom du temple ». P.190-195. )

La terre des rois d'Israël
Certes, élu à la tête du gouvernement pour la première fois en 1996, Benjamin Netanyahu avait été obligé d’appliquer les accords d’Oslo et remettre une partie de la ville d’Hébron à l’Autorité autonome. Mais cela, avec une idée derrière la tête. Voici ce qu’il m’avait déclaré à l’époque. « Renoncer à du territoire est difficile ! Il s’agit d’une partie de ma terre, d’un lieu où mes ancêtres, les prophètes et les rois d’Israël ont vécu et où tant de générations de juifs ont rêvé de retourner. J’allais donc appliquer l’accord conclu par Pérès mais dans l’intention de le faire avec l'idée fondamentale de donner la partie arabe de Hébron en échange de la totalité de la Judée Samarie. Ou presque » Je diffuse cette déclaration dans mon film : « Au nom du temple » programmé par France 2 dans la case « Infrarouge » le 31 mars à 23h35.

L'Europe
Avec brio, Benjamin Netanyahu dit à la communauté internationale ce qu’elle a envie d’entendre tout en maintenant le cap pour réaliser ses deux objectifs. Changer la réalité sur le terrain et surtout rester au pouvoir et empêcher la gauche de renoncer à ce qui est pour lui la Terre d’Israël. En essayant de ne pas trop choquer les différentes administrations américaines et l’Europe, il permet le développement de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem. Et cela ne marche pas trop mal. En 2014, selon le mouvement La paix maintenant, la construction dans les colonies a augmenté de 40%. Washington et Paris se sont contentés de publier des protestations. Près de 400 000 israéliens habitent aujourd’hui dans des implantations sur ce territoire dont 60% est entièrement contrôlé par Israël. En privé, les dirigeants palestiniens reconnaissent que dans ces conditions, la création d’une Palestine indépendante viable et contiguë est impossible. Cela, sans même évoquer la question de Jérusalem sur laquelle toutes les négociations ont échoué. Les politiques européens préfèrent d’ailleurs ne pas en parler. Ils ont tout bonnement enterré les rapports des chefs de mission de l’Union européenne en poste à Jérusalem réalisés en 2005 et 2008 décrivant la politique d’annexion des quartiers arabes de la ville sainte. Un nouveau rapport est paraît-il dans les tuyaux. Sera t-il publié ? Ce n’est pas sur, à présent que Benjamin Netanyahu est réélu et qu’il est revenu sur son refus d’un état palestinien.. Ouf !

Vive les républicains
Et la colère de Barack Obama ? On est bien obligé de constater que c’est le cadet des soucis du Premier ministre. Il est persuadé que l’administration américaine n’arrêtera en aucun cas son aide militaire à Israël. De toute manière il compte sur la majorité républicaine du congrès pour faire barrage à toute initiative de ce président qu’il déteste. John Boehner, le président de la chambre des représentants viendra à Jérusalem dans une dizaine de jours fêter la victoire de son ami et allié. Sheldon Adelson, milliardaire, fidèle soutien de Netanyahu et ennemi juré d’Obama, n’a pas attendu. Il est venu le féliciter dés hier, vendredi.