Mal géré, dépassé par la concurrence des médias privés, le service public, l’Office de radio-télévision israélien, l’ORTI, est en état de déliquescence, les audiences en berne, à l’exception de sa seconde chaine de radio qui ne survit pas trop mal. Il faut réformer. Le ministre de la communication en 2014, Gilaad Erdan, du Likoud, s’y est mis. Première étape : dissolution de l’ORTI dont les employés partiront en retraite anticipée ou seront licenciés en recevant les indemnités qui leur reviennent de droit. En parallèle, une nouvelle société publique de diffusion est mise sur pied. Elle devra recréer huit stations de radio, trois chaines de TV, en hébreu, pour le grand public, pour la jeunesse et en arabe. Les budgets ont été votés. La nouvelle société a installé ses bureaux provisoires à Modiin, entre Tel Aviv et Jérusalem et a commencé à embaucher. Des centaines d’employés ont quitté l’ORTI, qui continue de diffuser en attendant sa fermeture en octobre.
Mein Kampf
Tout paraissait normal jusqu’à la crise qui a éclaté une dizaine de jours. Quelqu’un est allé dire au ministre de la communication, Benjamin Netanyahu qui cumule les portefeuilles : « Attention, nous n’aurons aucun contrôle sur cette nouvelle société. Eldad Koblenz est un journaliste indépendant. Il va nous faire le journal de la seconde chaine ! Ou pire celui de la chaine 10, voire Galei Tsahal, la radio de l’armée. Pourquoi ne pas y placer un des nôtres, un journaliste d’Israël Hayom (le quotidien gratuit pro Netanyahu) ou quelqu’un de la chaine 20 (nationaliste religieuse) » Le Likoud, et tout particulièrement le premier ministre et son entourage, détestent, la chaine 10, qu’ils ont essayé de fermer en raison de ses critiques anti gouvernementales, la chaine 2, est plus proche du consensus national mais comporte des journalistes trop indépendants au gout de la droite. Galei Tsahal, bien que remise au pas, et que Miri Regev, la ministre de la culture, voudrait à contrôler, a parfois de rares bouffées d’indépendance. Au grand dam de la droite elle a récemment consacré un programme au grand poète palestinien Mahmoud Darwish. Le ministre de la défense, Avigdor Liebermann, qui, selon la loi, n’est pas censé intervenir dans le contenu des émissions, a convoqué le patron de la radio pour lui dire : « Vous avez diffusé l’équivalent de Mein Kampf ! »
Pas de Likoud pas d'oriental
Tout cela donne le dialogue suivant en conseil des ministres, dimanche dernier, à Jérusalem. A l’ordre du jour, la fermeture de l’ORTI et le nouveau service public dont on ne sait toujours pas qui va le diriger et quand il commencera à diffuser, s’il n’est pas tout bonnement dissous.
Miri Regev, s’est adressée à ses collègues : « A quoi sert cette société si nous ne la contrôlons pas ? Le ministre [NDLR : des Communications donc… Netanyahu !] devrait la contrôler. Quoi, nous allons mettre de l’argent dedans et ensuite ils diffuseront ce qu’ils veulent?» Naftali Bennet, ministre de l’éducation, chef du « Foyer juif », le parti des colons : « si vous ne voulez pas de cette société. Dites « Nous en avons perdu le contrôle ! On arrête ! Mais reporter l’ouverture d’un an et demi, cela en éloignera des journalistes de droite comme de gauche. C’est créer l’incertitude pour une période qui mettra la société totalement sous le contrôle des politiques »
Ofir Akounis, ministre des sciences, de la technologie et de l’espace:« Mais,[dans cette société] il n’y a pas de militants du Likoud, ou des gens venus de la périphérie, des orientaux!»
Gilaad Erdan, actuel ministre de la sécurité intérieure, s’adresse à Regev « Est ce que tu contrôle chaque pièce jouée par Habima, le théâtre national ou tout autre théâtre qui reçoit des fonds du gouvernement ? »
Regev: « le projet de prolonger de deux ans Koblenz au poste de patron de la société est de l’opportunisme sournois »
Erdan : « Comment ça ? De quoi tu parles, Tu crois que cette loi est faite pour Miri Regev »
Fascisme?
Le ton a paraît-il monté lorsqu’Akounis, le ministre de l’espace, est revenu sur orbite et a énuméré les noms d’une demi douzaine de journalistes sionistes religieux. Là, Ayelet Shaked ministre de la justice et une des responsables du Foyer juif s’énerve. Elle tape du poing sur la table et lance à ses collègues du Likoud : « Arrêtez ces mensonges ! Apprenez à gouverner et cessez de râler ! Bande de pleurnichards ! Vous avez votre journal ! »
Netanyahu intervient : « Il faut aussi de la compétitivité entre les chaines commerciales » Il ajoute peu après:« Pourtant, l’ORTI et la deuxième chaine de radio étaient équilibrés» En fait, Netanyahu a changé d’avis et préférerait annuler tout simplement la dissolution de l’ancien service publique. David Bitton, député Likoud et chef de la coalition gouvernementale a même déposé une proposition de loi en ce sens. Mais, il y a un gros problème budgétaire. Tout cela couterait très cher. Pas moins d’un demi milliard de Shekels. Donc, on retarde toute l’opération, jusqu’au début de l’année prochaine et on verra ensuite.
L’échange de politesse entre le Likoud – le cabinet de Netanyahu – et le Foyer juif se poursuit. En conclusion, il faut citer Gila Gamliel, député Likoud et ministre de l’égalité sociale, évoquant les déclarations de sa collègue Miri Regev, elle a lancé: « Cela frôle le fascisme ! ». Fin de citation. Madame Gamliel - on l'a compris- n’aime pas Regev et considère que le gouvernement n’a pas à s’occuper du contenu des émissions du service public.