John Kerry et le temps des décisions

 John Kerry ne connaît apparemment pas ce vieux proverbe yiddish : « Il ne faut pas mettre une tête saine dans un lit malade ! ».  En tout cas, c’est la dixième fois que le Secrétaire d’état est revenu dans la région tenter de faire avancer les négociations israélo-palestiniennes. Benjamin Netanyahu a tenu parole et ordonné la libération de 26 détenus palestiniens. C’était le troisième groupe des 104 Palestiniens condamnés pour des attentats avant la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, qu’il s’était engagé à libérer. Cela, dans le cadre de l’accord conclu par Kerry avec les parties pour la reprise du processus de paix. D’après ce que l’on sait, Mahmoud Abbas avait promis de ne pas présenter le problème de la colonisation devant la Cour pénale internationale de La Haye. Le Premier ministre israélien avait, lui, trois possibilités. Accepter la ligne de 1967 comme référence dans les pourparlers ; geler la colonisation, ou – c’est ce qu’il a choisi - libérer des prisonniers palestiniens.

 

La tribu de Netanyahu

Au cours de son séjour, Kerry voudrait négocier un projet d’accord cadre sur les principaux dossiers : Jérusalem Est, les frontières, les réfugiés.  Quelle est la probabilité pour qu’il réussisse ? Très faible, estiment les commentateurs. Peter Beinart, par exemple. Après avoir fermé son excellent site « Open Zion », et intégré la rédaction de Haaretz, il livre l’analyse suivante : « Même si Kerry parvient à persuader les leaders israéliens et palestiniens d’accepter un accord-cadre, il y a peu de chance pour qu’il soit appliqué. En fin de compte, Benjamin Netanyahu dirige un parti dominé par des gens opposés à la création d‘un état palestinien. ( …) Pour lui, accepter le principe d’un état palestinien viable avec Jérusalem Est pour capitale signifierait perdre le soutien de sa base politique, ce qu’il a toujours refusé de faire. Dennis Ross rappelle, dans ses mémoires, comment Netanyahu lui avait expliqué qu’un leader ne peut jamais abandonner sa tribu. »

Vers un état binational ?

De fait, livré dans ma boîte aux lettres, ce vendredi, j’ai reçu un journal en anglais, intitulé « Sovereignty », Souveraineté. Oui ! Il s’agit ni plus ni moins que de placer la Cisjordanie formellement sous la souveraineté israélienne. On y trouve un éditorial dans ce sens, signé par le député Likoud, Yariv Levin, qui préside la coalition gouvernementale à la Knesset.  Deux pages sont consacrées au dernier ouvrage de la très néoconservatrice, Caroline Glick. La solution israélienne au conflit, ce serait, selon elle, un état binational dans lequel les Palestiniens auraient « de véritables droits civiques ». Et le problème démographique ? Les Juifs ne risquent-ils pas de devenir minoritaires dans ce grand Israël ? Non ! Répond Yoram Ettinger, ancien consul général aux États Unis, la démographie, dit-il, est en faveur des Juifs. « Si l’état d’Israël fait un effort et encourage l’immigration, un demi-million de Juifs viendraient au cours de la prochaine décennie ce qui conduirait à une majorité juive de 80% d’ici 2035 ! » A voir.. Pour l’heure les immigrants ne se pressent pas au portillon. Même si les responsables de l’Agence juive rêvent de faire venir en Israël des dizaines de milliers de Juifs de France.

Le chemin de la catastrophe

Alors, Nahoum Barnéa, le principal éditorialiste de Yediot Aharonot a sonné le tocsin. En une de son quotidien, lundi dernier, il a lancé un appel à Benjamin Netanyahu : « Cinq de ses prédécesseurs, Begin, Rabin, Barak, Sharon et Olmert ont choisi la voie politique. Begin en faisant la paix avec l’Égypte, Rabin en signant les accords d’Oslo, Sharon en décidant le retrait de Gaza, Barak et Olmert en proposant des solutions politiques au partenaire palestinien. (…) Ils l’ont fait en réalisant que l’intérêt de l’état d’Israël ne s’arrête pas à la terre. La décision dépend uniquement de Netanyahu. Il peut choisir de suivre leur exemple où  prendre aveuglément la voie empruntée avec arrogance par  Golda Meir, et qui a conduit à la catastrophe de la guerre de Kippour »

Il n’y a pas d’alternative.