Considérant l’état des lieux, la situation sur le terrain est plutôt favorable à Benjamin Netanyahu. Sa coalition gouvernementale est relativement stable. L’initiative de paix de John Kerry a échoué, la colonisation de la Cisjordanie se poursuit activement sans que les Américains et le reste de la communauté internationale ne protestent plus que de coutume. L’Europe et les États Unis continuent de financer l’Autorité palestinienne et sa police, indispensable à la lutte anti-terroriste. Pour tout cela, Israël ne débourse pas un seul Shekel et garde le contrôle total de tout ce qui entre ou sort de Cisjordanie. Seule grosse difficulté, le président palestinien, ne joue plus le rôle que la droite israélienne voudrait le voir jouer.
Au grand dam de Monsieur Netanyahu, Mahmoud Abbas s’est tourné vers l’Assemblée générale des Nations Unies, le 29 novembre 2012, pour faire reconnaître la Palestine comme état non membre de l’ONU. Ce statut lui permettrait d’adhérer à plus d’une soixantaine d’organisations onusiennes. Ce qu’il ne fait pas pour l’heure, car cela lui créerait des difficultés avec l’administration américaine. Mais, la menace est là, omni présente. La Palestine pourrait se tourner vers la Cour pénale internationale de La Haye.
Berezina
Ce n’est pas tout. A 79 ans, le président palestinien prépare son départ de la scène politique. Il a fini par conclure un accord de réconciliation avec le Hamas en vue de l’organisation d’élections en Cisjordanie et a Gaza. L’organisation islamiste n’avait pas tellement le choix et a sauté sur l’occasion. Elle est au pied du mur après avoir perdu le soutien des Frères musulmans égyptiens, pourchassés par le gouvernement du maréchal Sissi. Un gouvernement palestinien d’unité nationale a été mis sur pied, composé de « technocrates » indépendants. C’était inacceptable pour Benjamin Netanyahu, en rappelant que le Hamas prône toujours la destruction d’Israël. Il a donc demandé aux Américains d’attendre avant de reconnaître le nouveau cabinet. Mais, Abbas et Rami Hamdallah, son premier ministre, se sont empressés d’annoncer qu’ils adhéraient toujours aux conditions énoncées par la communauté internationale dans le cadre du Quartet (les USA, l’ONU, la Russie et l’Union Européenne) : reconnaissance d’Israël, respect des accords signés et renoncement à la violence. Et ce fut, la Berezina pour la diplomatie israélienne. Les États Unis, l’Europe et l’ONU ont reconnu le gouvernement Hamdallah, vite suivis par l’Inde, la Chine et la Russie.
La réponse sioniste
Accusant quasiment l’équipe Obama de trahison, Netanyahu a manifesté son mécontentement en autorisant Ouri Ariel, le ministre de l’Habitat, à publier des appels d’offres pour la construction de 1500 nouveaux logements et lancer la planification de 1800 unités supplémentaires en Cisjordanie et à Jérusalem Est « C'est la réponse sioniste appropriée quand on nous crache dessus. Je parle de nos voisins (palestiniens) mais aussi du reste du monde » a dit Monsieur Ariel, lui-même habitant une colonie. C’est tout simplement ignorer les conditions du Quartet adressées cette fois à Israël. Dans la feuille de route, remise aux parties en mai 2003, il est écrit en toutes lettres : « Israël suspend toutes ses activités quant à la création de colonies de peuplement » À l’époque, gouvernement d’Ariel Sharon avait accepté le principe d’un gel de la colonisation et s’était engagé à évacuer les avant-postes considérés comme illégaux par la loi israélienne. Ce n’est pas tout, l’éditorialiste Peter Beinart rappelle, dans le quotidien Haaretz http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.596904 , que deux formations de la coalition de Netanyahu s’opposent à l’existence d’un état palestinien tel que le prévoit de quartet. La maison juive de Naftali Bennet, le ministre de l’économie (dont Ouri Ariel est le numéro deux) et le Likoud qui, dans ses chartes et plateformes électorales, en a toujours refusé le principe. http://www.worldlikud.org.il/?page_id=36.
L'équilibrisme
Certes, Benjamin Netanyahu a, le 14 juin 2009, évoqué la possibilité de créer un état palestinien démilitarisé, sous certaines conditions. Une prise de position qui n’a jamais été confirmée par les instances politiques de son parti, le Likoud. Que veut-il, en réalité ? Dans tous les ouvrages qu’il a publiés en 1987, 1995 et 1999, il a longuement défini son opposition à l’indépendance de la Palestine. Dans une interview réalisée en 2002 sur les circonstances dans lesquelles il avait accepté le retrait d’une partie de la ville d’Hébron début 1997, il déclarait : « Renoncer à du territoire est difficile ! Il s’agit d’une partie de ma terre, d’un lieu où mes ancêtres, les prophètes et les rois d’Israël ont vécu et où tant de générations de juifs ont rêvé de retourner. J’allais donc appliquer l’accord conclu par Pérès mais dans l’intention de le faire avec l'idée fondamentale de donner la partie arabe de Hébron en échange de la totalité de la Judée Samarie. Ou presque ! » (A voir dans mon nouveau film, « Au nom du Temple » à diffuser par France 2).
L’idéal, pour le Premier ministre et la droite israélienne, c’est donc le maintien de la situation actuelle. L’autonomie palestinienne sous le contrôle de Tsahal ce qui permet également la poursuite de la construction dans les colonies. Problème. Mais il doit réagir aux dernières initiatives d’Abbas à qui il promet des sanctions économiques et financières, comme l’exigent certains ministres. Mais, des mesures punitives trop importantes pourraient conduire à l’effondrement de l’Autorité autonome. Cela déboucherait sur le rétablissement de l’administration militaire dans l’ensemble de la Cisjordanie. Les mères des soldats israéliens qui devraient revenir patrouiller dans les rues de Ramallah, Jenin, Naplouse n’apprécieraient certainement pas. Et puis, ce scénario du pire déboucherait sur une crise gouvernementale et des élections anticipées. Netanyahu parviendra-t-il à maintenir ce périlleux exercice d’équilibrisme politique ? En tout cas, jusqu’à présent il y réussit.