Selon tous les sondages, le bloc droite-religieux-orthodoxes a toutes les chances de remporter le scrutin mais, à moins de trois semaines du vote on est bien obligé de poser la question. D’abord parce que l’électeur israélien, a, ces dernières décennies, parfois donné tort aux sondeurs. Et à ce stade, il faut bien constater que l’atmosphère dans le pays n’est pas à une victoire éclatante de Benjamin Netanyahu et son parti. Il y a les indécis. Selon le professeur Camille Fuchs de l’université de Tel Aviv, 21% des électeurs n’ont pas encore décidé pour qui voter. Et, même parmi ceux qui se prononcent déjà en faveur de tel ou tel parti,la décision est loin d’être définitive. 43 % de votants potentiels du Camp sioniste de Yitzhak Herzog et Tzipi Livni, pourraient déserter et se prononcer: 17 % pour Yesh Atid de Yaïr Lapid et 12 % iraient plus à gauche, vers Meretz. Côté Likoud, 36% envisageraient de voter de voter pour une autre formation. 17%, le cas échéant, donneraient leur bulletin à Habeit Hayehudi de Naftali Bennet.
Les lycéens ne sont pas à droite
Ce n’est pas tout, l’atmosphère chez les jeunes n’est pas favorable à la droite nationaliste comme le démontre l’analyse du vote réalisé ces dernières semaines par des élèves de classes terminales de 61 lycées israéliens. Le Camp sioniste et Yesh Atid sont venus en tête dans 18 établissements. 14 ont voté Likoud. 3 ont donné la préférence à Israël Betenou d’Avigdor Lieberman, à Ha beit Hayehoudi, ainsi qu’à Koulanou (la nouvelle formation de l’ex-Likoud, Moshé Kahlon, centre droit). Deux établissements étaient pour Meretz et la liste arabe.
Dans le passé, à plusieurs reprises, par leurs votes, les élèves du lycée Blich, à Ramat Gan, ont battu les sondeurs.. Par exemple, en 2013, en prédisant une avancée importante de Yesh Atid. Les sondages accordaient à ce parti une douzaine de mandats. Au final, il en avait obtenu 19. Cette fois, en 2015, Blich donne la victoire au Camp sioniste, avec 38 mandats, Yesh Atid venant en seconde place, 34 députés. Le Likoud, troisième, 17. La Maison juive 12 et Meretz 11.
Payer pour le patron
Plusieurs éléments semblent influencer une partie de l’opinion publique. D’abord, l’affaire de la gestion du domicile officiel de Sarah et Benjamin Netanyahu. Le contrôleur de l’état, le juge Yossef Shapira, a publié un rapport critiquant une gabegie de fonds publics et demandant au conseiller juridique du gouvernement d’ordonner une enquête policière sur certaines dépenses. Elle concernera notamment quelques milliers de Shekels, fruit de la consigne de bouteilles que Sarah Netanyahu aurait empochée et des meubles de jardins achetés par l’état mais envoyés à la villa que possède le couple à Césarée. L’enquête débutera après le vote. Mais un passage du texte de Shapira a fait tiquer: Des employés de la résidence ont du payer de leur poches certains achats de la famille Netanyahu et n’ont pas été remboursés. 42,18 Shekels pour un médicament. 32 Shekels pour des journaux. 110 Shekels, un repas dans un restaurant. 25 Shekels un verre de vin etc. Cela fait désordre.
La crise du logement et l'Iran
Quelques jours plus tard, Yossef Shapira a rendu public un autre rapport beaucoup plus important, cette fois sur la crise de l’immobilier. De 2008 à décembre 2013, les prix des logements ont augmenté de 55% et les loyers de 30%. Si en 2008 un israélien devait économiser 103 salaires moyens pour acheter un appartement, fin 2013, il fallait 137 salaires et, aujourd’hui 148. Par comparaison aux États Unis, en Grande Bretagne ou en Hollande 65 salaires suffisent. Selon le contrôleur de l’état, ce n’est qu’en juillet 2010, près d’un an après sa formation que le gouvernement Netanyahu a commencé à examiner le problème et mettre en place une politique destinée à faire baisser les prix... qui ont continué à grimper. La réaction du Premier ministre sortant a réagit ainsi sur son compte twitter: « Lorsque l’on parle du prix des logements et du cout de la vie, je n’oublie pas un seul instant la vie elle même. La grande menace pour nos vie c’est actuellement le nucléaire iranien !» Tout le reste est donc secondaire. Et, samedi soir, avant de partir pour Washington afin de prononcer son discours devant les deux chambres du congrès, Benjamin Netanyahu est allé se recueillir sur l’esplanade du mur des Lamentations. Et, dimanche matin, avant de monter dans l’avion il a déclaré : « Je pars pour une mission cruciale et historique en tant qu’émissaire de tous les citoyens d’Israël, même ceux qui ne sont pas d’accord avec moi et aussi au nom de l’ensemble du peuple juif ! ».
Sauver l’humanité
Parviendra-t-il à empêcher la conclusion d’un accord entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies (États Unis, Russie, Chine, France et Grande Bretagne) plus l’Allemagne ? Rien n’est moins sur. Netanyahu voudrait que Téhéran renonce quasi totalement à l’enrichissement de l’uranium ce qui est quasiment impossible. D'après ce qu'on sait, la négociation porte sur une réduction du nombre de centrifugeuses et de la quantité d’uranium enrichi que conserveraient les iraniens. Le tout sous un régime permanent de contrôle par des inspecteurs de l’Agence pour l’énergie atomique. A ce stade, s’il y a eu des progrès dans ces pourparlers, il n’est pas certain qu’un accord pourra être conclu d’ici au 30 mars. Mais, ce n’est pas tout, en acceptant l’invitation de John Boehner le très républicain Président de la Chambre des représentants, sans en informer la Maison Blanche comme le veut l’usage, Netanyahu a coupé les ponts avec Barack Obama. Le président des États Unis ne le recevra pas durant son séjour à Washington. Le Vice-président, Joe Biden a décidé d’effectuer un déplacement en Amérique du sud et John Kerry, le secrétaire d’état sera absent, lui aussi. Surtout, Obama a fait savoir qu’il opposerait son veto à toute résolution du Congrès destinée à torpiller un accord éventuel avec l’Iran. Pour que les républicains rejettent la décision du président et imposent malgré tout des sanctions à l’Iran ils devraient réunir les deux tiers du sénat et de la chambre des représentants. Mais une telle majorité paraît aujourd’hui peu probable en raison justement de la crise entre Netanyahu et l’administration Obama. Les démocrates soutiennent leur président et ne feront pas cause commune avec les républicains.
Alors, qu’espère-t-il? Les responsables du Likoud, tout en soutenant leur chef, becs et ongles, voudraient que son discours fasse basculer en leur faveur l’équivalent de deux mandats de députés. Le parti en perte de vitesse dans les sondages en a apparemment bien besoin. Mais le déplacement à Washington n’est pas une manœuvre électoraliste. Benjamin Netanyahu est intimement persuadé qu’il doit sauver Israël, le peuple juif et le monde. Il le répète depuis des décennies. Déjà le 10 juillet 1996 lors de sa première intervention devant les deux chambres du congrès il avait lancé un avertissement « Le problème du Proche Orient est que cette région n’est pas démocratique, elle est même partiellement anti-démocratique, radicalisée et terrorisée par un certain nombre de dictatures dont le crédo est fondé sur la tyrannie et l’intimidation. Le plus dangereux de ces régimes est l’Iran où un despotisme cruel est lié à un militantisme fanatique. Si ce régime ou son voisin despotique, l’Irak (de Saddam Hussein) devaient se doter de l’arme nucléaire, cela aurait des conséquences catastrophiques, pas seulement pour mon pays, pas seulement pour le Moyen Orient mais pour l’ensemble de l’humanité… »
Les électeurs israéliens devront choisir s’ils veulent un premier ministre occupé à sauver le monde ou à trouver des solutions à la crise du logement.