Un premier bilan de la guerre à Gaza

Gaza
2014. © Reuters - Nir Elias

Le 6 août 2014, la trêve à Gaza semblait tenir après les violents combats entre Israël et le Hamas. Quel bilan tirer de cette guerre?
Peut-on dire, comme on l'entend parfois en France, que le Hamas a gagné la guerre ?
Je crois qu’il faut voir la situation sous un autre angle. Le Hamas et les autres organisations islamistes de Gaza avaient annoncé qu’ils continueraient le combat jusqu’à la levée totale du blocus de l’enclave palestinienne et refusé toutes les propositions de cessez-le-feu depuis le début du conflit. Finalement, ils ont été obligés de passer sous les fourches caudines égyptiennes et d’aller au Caire pour y accepter une trêve humanitaire de 72 heures sans avoir reçu la moindre concession ou promesse. Pire ! Ils se retrouvent avec l’Autorité autonome à la tête de leur délégation.
Rappelons que dans l’Égypte du général Sissi, la Confrérie des Frères musulmans - à laquelle appartient le Hamas - est considérée comme une organisation terroriste… Les islamistes de Gaza auraient préféré discuter avec, à leurs côtés, leurs sponsors et alliés, le Qatar et la Turquie.
À ce stade, il n’est pas donc pas question d’une levée immédiate et totale du blocus. L’Égypte exige le déploiement des policiers de l’Autorité autonome, côté Gaza du poste frontière de Rafah où, en parallèle, elle détruit tous les tunnels de contrebande par où passaient munitions et matériel de construction.
Sur le terrain, le Hamas est affaibli militairement. Il a perdu la quasi-totalité des tunnels d’attaque creusés sous la frontière avec Israël. Un gigantesque chantier dans lequel il avait investi des dizaines de millions de dollars. Financièrement, il ne parvient pas, depuis quatre mois, à payer les salaires de ses fonctionnaires et de ses combattants. Le Qatar qui veut faire le chèque n’arrive pas à l’envoyer à Gaza en raison des lois internationales interdisant les transferts d’argent à une organisation terroriste. Les Égyptiens – toujours eux- interdisent le passage de valises bourrées de billets.
Cela dit, au plan international, le Hamas est gagnant. Les images des très nombreuses victimes civiles, des enfants morts et blessés, des destructions à Gaza ont suscité dans toute l’Europe et aux États Unis, indignation et condamnations délégitimant ainsi encore plus Israël. Cela conduira-t-il la communauté internationale à imposer un règlement du conflit israélo-palestinien ? Il ne faut pas trop y croire. Jusqu’à présent, les dirigeants américains et européens se sont toujours comportés au Proche Orient comme des pompiers qui quittent les lieux d’un incendie en laissant sur place des braises couver sous les cendres.

Quelle est la stratégie du Hamas ? A-t-il marqué des points par rapport à l'Autorité palestinienne ?
La stratégie du Hamas est définie par sa charte. Non à un Etat juif en terre d’Islam. Néanmoins, l’organisation peut être extrêmement pragmatique. Son premier objectif est de conquérir le public palestinien. Des cheikhs avaient, dans les années 90, établi le principe que l’organisation ne devait pas aller à l’encontre des désirs et de la volonté de son public. En l’occurrence, les enlèvements de soldats ou de civils israéliens lui ont permis de montrer qu’elle pouvait ainsi forcer Israël à accepter des échanges de prisonniers, ce que l’Autorité autonome a le plus grand mal à obtenir par la négociation.
Mais il faut attendre et voir la place que Mahmoud Abbas aura dans l’accord sur Gaza, actuellement discuté au Caire.

L'Economist de Londres titrait la semaine dernière à propos d'Israël: «Winning the battle, losing the war» (Israël «gagne la bataille et perd la guerre»). Que penser de cette analyse ?
Là encore, tout dépend de l’angle sous lequel on considère cette guerre de Gaza. Benjamin Netanyahou et la droite israélienne ne cherchent pas de solution au conflit avec les Palestiniens mais se contentent de le gérer. Je me répète : «Ils ont toujours préféré conclure des accords militaires – cessez-le-feu - avec le Hamas plutôt que des accords politiques avec l’OLP de Mahmoud Abbas».
Selon cette vision, le monde arabe et musulman veut détruire Israël qui remporte des victoires dans cette guerre omniprésente. Pour l’heure, il n’est pas question de relancer un processus de paix en bonne et due forme, sur la base, par exemple des accords d’Oslo. Au contraire, pour M. Netanyahou, ce qui vient de se passer à Gaza, prouve qu’Israël ne peut pas renoncer au contrôle sécuritaire de la Cisjordanie… Ce sont les populations du Proche-Orient qui sont les grands perdants de cette guerre.