Sur le boycott d'Israël..

Ben Dror Yemini, l’éditorialiste, très à droite,  du quotidien israélien, Maariv, vient de découvrir ce que tous les négociateurs israéliens savaient déjà : Mahmoud Abbas n’est pas en faveur du boycott d’Israël. Pendant sa visite en Afrique du Sud, à l’occasion des obsèques de Mandela, le président palestinien a répété : « Les Israéliens doivent cesser de construire dans les colonies, nous ne demandons pas un boycott d’Israël ! Nous avons des relations et une reconnaisance mutuelle avec Israël ! ». Yemini relève que l’Afrique du Sud est le berceau de l’organisation Boycott Désinvestissement Sanctions.  La mise au point d’Abbas lui a donc valu des commentaires peu flatteurs… Il a été traité de « collabo d’Israël » . En fait, l’Autorité autonome ne réclame que le boycott des produits issus des colonies. En juin, 2010, Salam Fayyad, alors Premier ministre, avait lancé une campagne en ce sens, des volontaires faisant la tournée des magasins de Ramallah pour en faire retirer, eau minérale, pâtes, conserves etc. Ce n’est qu’en décembre 2012 que Fayyad a lancé un appel au boycott de l’ensemble des produits israéliens, mais seulement pendant la période durant laquelle le le gouvernement Netanyahu avait suspendu le transfert du produit des taxes qu’il prélève pour le compte de l’Autorité autonome.

Pour ou contre le BDS

Récemment, BDS a marqué plusieurs points. Aux Etats Unis,  l’American Study Association, un syndicat de chercheurs et d’enseignants s’est prononcé en faveur du boycott des universités israéliennes. (http://www.france24.com/fr/20131216-universite-boycott-israel-polemique-asa-academique-usa-palestine/)

Une décision qualifiée d’antisémite par Alan Dershowitz dans un article publié par le quotidien Haaretz et illustré par une image montrant la dégradation du capitaine Dreyfus… Ce célèbre juriste d’Harvard, relève que l’ASA n’entend pas boycotter la Chine l’Iran ou l’Arabie Saoudite mais uniquement l’Etat d’Israël où on n’emprisonne pas les universitaires en raison de leurs opinions. Il rappelle que des négociations sont en cours pour faire cesser l’occupation des territoires palestiniens.  (http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.563920)

Henry Siegman, du Council on Foreign Relations, lui a répondu « Si je me pose des questions sur la sagesse de boycotter les universités israéliennes où certaines facultés sont parmi les plus dures critiques de la politique de leur gouvernement envers les Palestinien, l’accusation d’antisémitisme lancée envers le BDS est sans fondement. » Et d’expliquer, de même que si des Sionistes sont racistes (il cite certains rabbins), cela ne signifie pas que le sionisme est raciste, le BDS n’est donc pas antisémite parce que certains de ses militants le sont. (http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.564527)

Le boycott, la loi et l’Europe

En France, le 20 décembre dernier, sept militants du BDS, ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Pontoise. Ils étaient accusés d’avoir appelé au boycott des produits israéliens dans un supermarché Carrefour de Montigny les Cormeilles dans le Val d’Oise en juin 2010. Les juges ont estimé que leur action s’inscrivait dans le cadre de la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme. http://www.leparisien.fr/informations/val-d-oise-relaxes-apres-leur-appel-a-boycotter-les-produits-d-israel-20-12-2013-0.php

 

Il faut rappeler qu’en Israël, la Knesset a adopté, le 11 juillet 2011, une loi érigeant  en infraction civile le fait d'appeler au boycott économique, culturel ou intellectuel de personnes ou d'institutions en Israël ou dans les territoires palestiniens. Toute personne appelant ainsi au boycott risque d’être poursuivie et condamnée à une amende. Kadima et la gauche avaient voté contre. Réouven Rivlin, le président du parlement, - il appartient au Likoud- avait, à l’époque, pris position contre ce texte de loi, au nom de la liberté d’expression.

Pour l’Union Européenne, les choses sont claires : le 16 juillet dernier, elle a adopté une directive stipulant qu’à partir du 1 janvier 2014: « tous les accords entre l'Etat d'Israël et l'UE doivent indiquer sans ambiguïté et explicitement qu'ils ne s'appliquent pas aux territoires occupés par Israël en 1967 » Le gouvernement Netanyahu, pour permettre l’indispensable participation des centres de recherche israéliens au grand projet européen Horizon 2020 a du céder et accepter un compromis. Les fonds européens n’iront pas dans les colonies.

 

Le BDS et le droit au retour

Mais, revenons à un des objectifs du BDS. Le mouvement prône également le droit au retour des réfugiés palestiniens en Israël. Un objectif qui va à l’encontre du processus de paix tel qu'il se déroule depuis 1993. Les négociateurs palestiniens savent qu’il ne parviendront pas à un accord avec Israël à ce sujet. Lors de toutes les rencontres entre les parties, et notamment à Camp David en juillet 2000, il a été question de reconnaissance symbolique (ou directe) de la responsabilité  israélienne dans la Nakba, de compensations financières pour les réfugiés et leurs familles, de leur intégration dans l’état de Palestine lorsqu’il verra le jour, dans les pays où ils vivent ou ailleurs. Les israéliens n’ont accepté de discuter que de « réunification de familles » limitées, surtout de réfugiés au Liban. Les chiffres variant de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de palestiniens autorisés à venir en Israël. Voir, mon livre : « Le rêve brisé » sur l’échec du processus d’Oslo. A l’époque, l’entourage d’Arafat me disait – en me demandant de ne pas le publier- que son rêve était de proclamer l’État palestinien depuis la mosquée Al Aqsa en déclarant que les Palestiniens de l’étranger devaient venir participer à la construction de leur pays et pas aller s’installer en Israël » Publiquement le chef de l’OLP a répété à plusieurs reprises qu’Israël n’aurait pas de problème démographique.

La position de Mahmoud Abbas est encore plus claire. Le Président palestinien soutient  l’initiative de paix de la Ligue arabe qui stipule  « un règlement équitable et agréé de la question des réfugiés palestiniens sur la base de la résolution 194 de l'Assemblée générale de l'ONU. » Donc, un accord négocié entre Israël et les Palestiniens. http://www.france24.com/fr/20130430-ligue-arabe-processus-paix-israelo-palestinien-israel-frontieres-1967-refugies/

Là aussi, BDS va à l’encontre de la politique de l’Autorité palestinienne et adopte des positions qui se rapprochent d'organisations dures, comme celles du Hamas qui a rejeté le plan de paix de la Ligue arabe.