Le Sénateur Mitchell émissaire d'Obama au proche Orient

      
       Rentré en Israël, Sharon retrouve un casse tête dont il n’avait pas besoin. La commission présidée par l’ancien sénateur américain est sur le terrain où elle poursuit son enquête sur l’origine des violences. Elle avait été formée par Bill Clinton après l’échec du sommet de Charm El-Cheikh en octobre 2000 et dont c’était le seul résultat tangible. En présence de Hosni Moubarak, du roi Abdallah de Jordanie et du secrétaire général des Nations Unis, le Président des Etats-Unis, avait réuni Ehoud Barak et Yasser Arafat pour tenter de négocier un cessez le feu. Mitchell, est assisté de Javier Solana le haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, de Souleyman Demirel, l’ancien président turc, Thorbjoern Jagland le ministre norvégien des Affaires étrangères. Dans une interview à la radio israélienne, Ariel Sharon donne le ton: « [Ehoud Barak] a commis une erreur historique en donnant son accord à une telle commission car, personne n’a le droit – personne !- de traduire Israël en justice devant le tribunal du monde ». Voici les membres de la commission avertis! Lorsqu’ils tenteront, de calmer les craintes du Premier ministre israélien en lui promettant de remettre un rapport « équilibré » ce dernier leur répondra : « Un rapport équilibré sera une récompense pour l’agresseur: Yasser Arafat qui a pris la décision de déclencher la violence afin d’en tirer des gains politiques. Tout examen impartial des faits démontrera la responsabilité plein et entière d’Arafat »
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Le 21 mai 2001 le rapport de la commission d’enquête présidée par l’ancien sénateur américain George Mitchell est rendu public. Yasser Arafat et Ariel Sharon l’ont entre les mains depuis deux semaines. Le texte renvoie les parties dos à dos. Dans un chapitre intitulé « Qu’est-il arrivé » les membres de la commission rappellent les accusations réciproques: « […] Le gouvernement d’Israël affirme que le catalyseur à l’origine de la violence a été l’échec des négociations de Camp David le 25 juillet 2000 et « l’opinion largement répandue dans la communauté internationale que la responsabilité de l‘impasse incombe aux palestiniens ». Selon ce point de vue, la violence palestinienne a été planifiée par le leadership de l’Autorité palestinienne et « était destinée à provoquer et subir des pertes palestiniennes dans le but de reprendre l’initiative diplomatique »
 
    L’Organisation de Libération de la Palestine dément les affirmations selon lesquelles l’Intifada a été planifiée. L’OLP affirme pour sa part que « Camp David n’était rien d’autre qu’une tentative d’Israël d’étendre à la négociation la force qu’il exerce sur le terrain» et que « l’échec du sommet et les tentatives pour en rejeter la responsabilité sur la partie palestinienne n’ont fait que durcir la tension sur le terrain… »
 
   Selon la perspective de l’OLP, Israël a riposté aux troubles par l’utilisation excessive et illégale de la force létale contre les manifestants; comportement qui du point de vue de l’OLP reflétait le mépris d’Israël pour les vies et la sécurité des Palestiniens. Selon les palestiniens, les images largement vues de la mort de Mohammed al Durra (12 ans) le 30 septembre à Gaza, visé alors  qu’il se blottissait derrière son père ont renforcé cette perception.
 
   Selon la perspective du gouvernement d’Israël, les manifestations ont été organisées et dirigées par le leadership palestinien afin de créer - à travers le monde- de la sympathie envers sa cause cela en provoquant les forces de sécurité israéliennes afin qu’elles ouvrent le feu sur les manifestants, particulièrement sur des jeunes gens. Pour les Israéliens, le lynchage de deux réservistes, le sergent-chef Vadim Novesche et le caporal-chef Yossef Avrahami à Ramallah le 12 octobre a reflété la haine d’Israël et des Juifs, profondément enracinée chez les palestiniens.» […]
 
   « En conséquence, nous n’avons aucune base pour conclure qu’il y avait un plan délibéré de l’Autorité palestinienne pour déclencher une campagne de violence à la première occasion; ou pour conclure qu’il y avait un plan délibéré du gouvernement d’Israël pour riposter par la force létale.
 
    Toutefois, il n’y a également preuve permettant de conclure que l’Autorité palestinienne a fait un effort conséquent pour contenir les manifestations et contrôler la violence lorsqu’elle a éclaté; ou que le gouvernement israélien a fait un effort conséquent pour utiliser des moyens non meurtriers pour contrôler les manifestations de palestiniens désarmés. Face à une colère croissante, à la peur, à la méfiance chaque partie a assumé le pire de l’autre et agi en conséquence.
 
 La visite d’Ariel Sharon [le 28 septembre 2000 sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem] n’est pas à l’origine de « l’Intifada Al-Aqsa ». Mais elle a eu lieu à un mauvais moment et son effet provocateur aurait du être prévu. […] Les événements qui ont suivi sont plus significatifs: la décision de la police israélienne, le 29 septembre d’utiliser des moyens létaux contre les manifestants palestiniens; et ensuite, l’échec des deux parties à faire preuve de retenue » […] [1]
 
    Dans une note, le rapport révèle que qu’Israël a transmis à la commission une déclaration du ministre palestinien de la Poste, au Liban en mars 2001 affirmant que l’Intifada avait été planifiée par le leadership palestinien dés après le sommet de camp David en juillet 2000. L’autorité palestinienne avait réagit en remettant à la commission un démenti de ce ministre. Il affirmait avoir été mal cité. Un responsable militaire du renseignement a ensuite déclaré à la commission que cette déclaration - tout en ne constituant pas une preuve définitive- était la version publique de ce que Tsahal savait par « d’autres moyens » que l’armée n’a pas communiqué au sénateur Mitchell. En l’occurrence, cet officier, dont le nom n’est pas cité dans le rapport, ne disait pas la vérité. Aucun service de renseignement israélien n’avait la moindre preuve d’une planification palestinienne de l’Intifada. 
 
    La commission a analysé la situation sur le terrain et constaté l’absence d’officiers supérieurs côté israélien lors d’affrontements avec des lanceurs de pierre palestiniens à Ramallah: «  Au sujet de ces confrontations le gouvernement d’Israël a adopté la position selon laquelle « Israël est engagé dans un conflit à la limite de la guerre. Il ne s’agit pas de [simples] manifestations ou d’émeutes. Ce sont des attaques à l’arme à feu d’une importance significative. Ces attaques sont exécutées par une milice bien armée et organisée » Toutefois, le gouvernement d’Israël reconnaît que sur 9000 « attaques » commises par des palestiniens contre des israéliens, quelques « 2700 (près de 30%) comprenaient l’utilisation d’armes automatiques, fusils, pistolets, grenades et des explosifs d’autre sorte » C'est-à-dire que durant les trois premiers mois du soulèvement, lors de la plupart des accrochages les Palestiniens n’utilisaient pas d’armes à feu » […]
 
  
     Et d’examiner un élément essentiel de la politique de l’état major israélien: la raison principale pour laquelle les militaires israéliens ont la gâchette facile. Ils ne craignent pas d’éventuelles poursuites judiciaires: 
 
    « Surtout, par cette définition du conflit [un conflit armé à la limite de la guerre], l’armée israélienne a suspendu sa politique stipulant un enquête obligatoire par la police militaire chaque fois que dans les territoires, un palestinien meurt du fait d’un soldat israélien au cours d’un incident n’impliquant pas le terrorisme. Le gouvernement israélien affirme: « Lorsqu’Israël considère qu’il y a une raison pour enquêter sur certains incidents cela se fait mais pas – en raison des circonstances du conflit armé – d’une manière routinière. » Nous croyons cependant qu’en abandonnant cette définition du « conflit armé à la limite de la guerre » et en rétablissant les enquêtes obligatoires de la police militaire, le gouvernement israélien pourrait contribuer à réduire la violence mortelle et aider au rétablissement de la confiance mutuelle. […] il faudrait faire la différence entre terrorisme et manifestations. » […] La commission propose donc de rétablir la procédure d’enquête par la police militaire chaque fois qu’un civil palestinien lors d’incidents n’impliquant pas du terrorisme ; et aussi d’abandonner la définition de l’Intifada comme « un conflit armé à la limite d’une guerre »
[…]
    « Lorsque la veuve d’un médecin israélien assassiné – un homme de paix qui recevait également des patients arabes – nous dit qu’il lui semble que les Palestiniens ne veulent tuer des Juifs que parce qu’ils sont Juifs, les Palestiniens doivent en tenir compte. Lorsque les parents d’un enfant palestinien tué dans son lit par une balle perdue parviennent aux mêmes conclusions sur le respect qu’ont les Israéliens pour la vie des Palestiniens, les Israéliens doivent écouter. Lorsque nous voyons les corps brisés d’enfants nous savons qu’il est temps pour les adultes de cesser la violence »
 
       Dans leurs recommandations, le sénateur Mitchell et ses collègues renvoient les belligérants dos à dos. Israël et l’Autorité autonome devraient œuvrer pour mettre en place des mesures de « retour au calme » destinées à établir la confiance; reprendre leurs efforts pour identifier, condamner et décourager l’incitation à la violence sous toutes ses formes. L’Autorité autonome devrait -par une action concrète- prouver clairement aux palestiniens et aux israéliens que le terrorisme est répréhensible et inacceptable; faire 100% d’efforts pour prévenir les opérations terroristes et en punir les auteurs. Israël devrait geler toutes ses activités de colonisations, y compris la « croissance naturelle » des implantations existantes.
 


[1] Sur cet épisode, voir: C. Enderlin. Le rêve brisé. Ed. Fayard. Paris. P. 287-289