En mémoire d' "Elephant"

elephantDans les brouillards de Londres, au coin d’une rue sombre et humide, dans l’arrière-cour d’un pub mal fréquenté, la littérature victorienne a été chercher ses plus étranges personnages. Entre fiction et réalité, entre Mister Hyde et Jack l’Eventreur, Joseph Carey Merrick a une place à part.

Pas besoin de faire dans le mélo pour raconter la vie bien réelle d’ « Elephant Man ». Elle est suffisamment sombre… Denis Van P l’a bien compris, qui publie chez Sandawe la première biographie en bande-dessinée de cet homme hors du commun.

Difforme à sa naissance en 1862, battu comme plâtre par ses camarades, orphelin de mère à onze ans,  rejeté par sa famille, « Elephant Man » devient phénomène de foire pour gagner sa vie. C’est la seule façon d’échapper aux institutions de charité où les pensionnaires en font leur souffre-douleur. Evidemment son imprésario l’escroque, puis le renvoie quand l’exhibition des monstres de foire est interdite en 1885. Seul le docteur Treves saura voir en Joseph un homme malade plutôt qu’un monstre. Il le prendra sous son aile et la vie d’ « Elephant Man » deviendra moins sombre. Grâce à une collecte de fonds et le soutien de la reine Victoria, le jeune homme pourra passer les dernières années de sa vie à l’hôpital de Londres. Il mourra en 1890 à l’âge de 27 ans.

Joseph Carey Merrick - Planche 52

Extrait de "Joseph Carey Merrick" de Denis Van P - Editions Sandawe

L’auteur Denis Van P s’appuie sur une enquête historique fouillée, des centaines de documents, des années de recherche pour dessiner le parcours de Joseph Merrick en s’attardant en particulier sur sa jeunesse. Il explique : «  Ce qui me frappe, c’est l’enfance et l’adolescence du pauvre joseph : tous les drames et problèmes de la relation à l’autre, durant cette période de sa vie, se trouvent chez lui démultipliés, portés à leur paroxysme. Aussi la résignation et la grandeur de Joseph face aux handicaps qui l’accablent m’intriguent. » Graphiquement, Denis Van P a l’intelligence de ne pas "surjouer" la noirceur. Il adopte un dessin rond, chaleureux. On pense à la BD "Soda" de Tome et Gazzotti. Ce style proche de la caricature apporte beaucoup d'humanité aux personnages. Il rend également la BD accessible à un public que le roman graphique peut parfois dérouter. Belle réussite pour un premier album qui évoque avec finesse la différence et l'intolérance violente qu'elle peut engendrer.

Denis Van P . Photo (c) A. Ghys

Denis Van P . Photo (c) A. Ghys

Pour l’anecdote,  Denis Van P est cadre au sein d'une grande institution financière française. Si ce passionné de bande-dessinée a pu réaliser son rêve de publier un album, c'est grâce à la générosité des internautes et au site Sandawe.com , une plate-forme collaborative de Crowdfunding. En français : les auteurs de BD envoient leurs projets à Sandawe qui fait une première sélection. "Nous n'avons pas de ligne éditoriale à proprement parler. Nous nous intéressons à tous les genres de la BD. Notre critère de validation c'est d'avoir des projets de qualité professionnelle qui peuvent aboutir, explique Patrick Dumont de Chassart de Sandawe.comÇa ne s'adresse pas qu'aux nouveaux auteurs. Certains ont déjà publié des albums dans d'autres maisons d’éditions. Ensuite les internautes sont invités à contribuer au financement des projets qui les séduisent, à partir de 10 euros. Plus la somme est élevée, plus l'édinaute a accès à des bonus exclusifs.

Quand 75% du budget est réuni, l'album est finalisé. Les contributeurs peuvent suivre en ligne l'achèvement de l'histoire, échanger avec l'auteur via le blog du projet. Après parution, ils sont les "agents publicitaires" de la BD et obtiennent une participation aux bénéfices sur les ventes. "il y a entre 200 et 400 investisseurs par album finalisé, poursuit Patrick Dumont de Chassart. Cela représente autant de prescripteurs d'achat. Depuis mi-2011 14 albums ont été financés dont 10 sont en librairie, 4 le seront d'ici la fin de l'année."

sandawe

Publié par Nicolas Lemarignier / Catégories : Actu