Dans les musées, à la sortie d’une exposition, aujourd’hui les visiteurs ont le choix entre le catalogue… ou la bande dessinée. Les grands établissements nationaux développent des politiques éditoriales ambitieuses, sollicitent des auteurs de renom qui offrent à leur tour des approches très variées : un genre est en train de naître.
Au Louvre, les deux derniers albums publiés récemment en partenariat avec Futuropolis suivent deux chemins différents. Enki Bilal, lui, fait vivre « les fantômes du Louvre ». Dans la préface de son livre, il écrit :
C’est comme si au Louvre on respirait du fantôme. A chaque coin de galerie, dans chaque parcelle d’œuvre, dans tout ce que les yeux touchent, partout, dans et sur le parquet, dans les replis des murs, dans tout l’air qui colle au plafond…
Le dessinateur a donc choisi 22 œuvres. Et pour chacune, il imagine un homme, une femme, un enfant dont l’histoire est liée à la création de l’œuvre. Pour appuyer son propos, il superpose ces « fantômes » aux tableaux, aux sculptures. Ici, pas de bulles, pas de cases : on est à la frontière entre la bande dessinée et le livre d’art. Cela aurait pu paraître présomptueux de la part de l’auteur de « couvrir » les chefs d’œuvre du Louvre avec son propre dessin, mais c’est fait avec un grand respect, et c’est particulièrement réussi avec les sculptures.
L’album de Bilal est le huitième d’une collection de BD publiées par le musée du Louvre. Fabrice Douar, adjoint au chef du service des Éditions du musée du Louvre, est à l’origine du projet :
Fabrice Douar - Louvre Editions : "Au départ, notre idée n’est pas de devenir éditeur de bandes dessinées. Ce qui nous intéresse, c’est l’échange entre les arts du Louvre et cet art qu’est la bande dessinée. Comme le musée possède un patrimoine artistique très riche, et que dans la BD il y a pléthore d’univers très variés, nous voulons les faire se rencontrer. Nous laissons aux auteurs une carte blanche, il n’y a qu’un seul « impératif » : quels que soient l’œuvre ou le département choisis au sein du musée, ils doivent faire partie intégrante du scénario."
Dans la même collection, exemple avec David Prudhomme, qui a choisi un autre point de vue dans « La traversée du Louvre ». Au centre de sa bande dessinée, il ne place pas les œuvres mais les visiteurs. Et il s’amuse à trouver des correspondances entre les postures de ces spectateurs et celles des sculptures ou des personnages représentés sur les toiles. Pour Prudhomme, le musée du Louvre est une sorte de BD géante, et il se promène avec un regard amusé au milieu du palais.
Du côté du Centre Pompidou, à l’occasion de la rétrospective « Dali », le très grand dessinateur Edmond Baudoin entraîne le lecteur sur les traces du peintre, sous la forme d’un roman graphique édité conjointement avec Dupuis dans la collection « Aire Libre ». L’album suit le fil d’une conversation entre un homme et une femme à propos de Dali. Baudoin s’empare des œuvres, les décortique pour expliquer qui se cachait derrière l’artiste. Au final, son « Dali » est une mine d’informations sur le peintre qui fut le premier à poser systématiquement sur la toile ses rêves et son inconscient.
Si la collaboration entre les musées et les auteurs est toute récente, elle apparaît aujourd'hui comme une évidence... un projet qui attire aujourd'hui de nombreux artistes.
Fabrice Douar : Au départ, c'est nous qui avons sollicité les auteurs. En ce moment, nous sommes en négociation avec Jiro Taniguchi. Et puis face au succès rencontré par la collection, désormais certains dessinateurs prennent l’initiative de nous contacter. Nous étions partis sur un cycle de 10 albums, mais face au succès rencontré, nous réfléchissons à 5 ou 6 titres supplémentaires.
Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants...
Infos pratiques :
Enki Bilal - "Les Fantômes du Louvre"- 144 pages - chez Futuropolis/ Louvres Editions
Exposition des dessins de Bilal du 20/12/2012 au 18/03/2013 au Musée du Louvre, Aile Sully.
"Dali par Baudoin"- 160 pages - Editions Dupuis
Exposition des plus beaux dessins originaux de cet album du 21/11/2012 au 24/03/2013 au musée de la Bande dessinée d'Angoulême.