États-Unis : parcs nationaux et aires protégées menacés par l’exploitation pétrolière

Pour pallier au manque d’entretien des parcs nationaux américains et au sous-financement chronique du National park service, l’administration Trump propose une solution controversée : utiliser les bénéfices de l’exploitation d’énergie dans les parcs nationaux pour les entretenir. Des collectifs de citoyens s’inquiètent des conséquences environnementales du projet.

Depuis plusieurs semaines, des organisations de protection de l’environnement demandent à l'administration Trump d'annuler les projets de concession de milliers d’hectares de terres publiques fédérales à des entreprises privées pour le développement pétrolier et gazier à proximité du parc national de Great Sand Dunes dans l'ouest du Colorado.

"Ce plan de fracturation ruinerait certains des habitats fauniques les plus pittoresques, les plus reculés et les plus précieux du Colorado", a déclaré Diana Dascalu-Joffe, avocate en chef au Centre for Biological Diversity. "Malheureusement, rien n'est plus important pour l'administration Trump que les bénéfices de l'industrie des énergies fossiles."

Le cas de Great Sand Dunes n’est pas isolé.  416 autres aires protégées (dont 58 autres parcs nationaux) pourraient elles aussi être affectées par des projets similaires. En effet, l’administration Trump a annoncé vouloir financer l’entretien des sites protégés du domaine fédéral avec l'argent que le gouvernement pourrait récupérer grâce à l’exploitation du pétrole, du gaz naturel mais aussi de l'énergie éolienne et solaire sur le domaine public.

Le projet de l’administration Trump prévoit notamment que le secrétaire à l'Intérieur puisse autoriser les oléoducs et les gazoducs privés à traverser certaines zones protégées du domaine public, sans consulter le Congrès.

Les forages pétroliers et gaziers seraient également autorisés au large des côtes de l'Oregon et de Washington pour la première fois et de nouvelles concessions pourraient également être accordées en Californie, une première depuis 1984.

Plus généralement, il s’agirait de la plus grande expansion de l’exploitation pétrolière en mer dans l'histoire des États-Unis, rendant 90% du plateau continental extérieur disponible pour l'exploration et l’exploitation.

Dans la célèbre revue de vulgarisation scientifique Scientific America, la journaliste scientifique Dana Hunter affirme que les États-Unis ne seront pas en mesure de réparer les dégats causés par ces exploitations et appelle à la mobilisation. "Nous allons perdre des choses que nous ne pourrons jamais remplacer si nous ne résistons pas", a-t-elle écrit.

Un manque de moyens financiers chronique

L’entretien des infrastructures du parc fédéral américain est très coûteux et le National Park Service doit aujourd’hui faire face à un énorme retard de maintenance de 11,6 milliards de dollars.

En effet, si entre 2006 et 2017 le nombre total de visiteurs dans les parcs est passé de 273 millions à 331 millions et le nombre de sites du domaine fédéral protégés est passé de 390 à 417, le budget alloué aux parcs nationaux est resté plus ou moins stable.

Avec cette mesure, l'administration Trump espère doter le fonds d'entretien du domaine fédéral de pas moins de 18 milliards de dollars. "Nous pensons que nous pouvons y arriver dans huit ans", a déclaré le secrétaire à l'Intérieur, Ryan Zinke au Congrès.

Pourtant, rien ne garantit que le prix du pétrole, fixé par les forces du marché mondial, ou que les États côtiers, riches en pétrole offshore mais réticents à travailler avec Trump pour l'extraire, coopèrent pour générer la somme d'argent projetée par l'administration.

Matt Lee-Ashley, du Center for American Progress a qualifié la proposition d'"approche douteuse, spéculative et incertaine" et certains démocrates s'inquiètent que la nation dépende de plus en plus du développement des énergies fossiles pour financer les parcs.

"Nos lieux les plus précieux ne devraient pas dépendre de la fortune de l'industrie énergétique pour leur succès et leur échec", a déclaré le représentant Raúl M. Grijalva, membre du Comité des ressources naturelles de la Chambre, lors d'une audience.

Jules Béraud