Pétrole de schistes: la ruée vers l'or noir

L'extraction du pétrole de schistes, très décrié car il pollue, fait les beaux jours des États-Unis, qui ont multiplié sa production par dix en dix ans.

Au Texas, la terre rend les États-Unis riche en pétrole. Riche, comme jamais le pays ne l'a été de son Histoire. Là-bas se trouve la zone la plus vaste au monde en terme de ressources pétrolières. Sa production pourrait dépasser celle de la Ghawar, en Arabie Saoudite. L'extraction des vieux puits a laissé place à une pratique bien plus industrielle : la technique du pétrole de schiste. Les plateformes situées en plein désert sont là pour des dizaines d'années, des sommes considérables sont investies.

Une pratique rentable mais critiquée

Sous ces puits industriels, il faut aller chercher le pétrole jusqu'à 2 000 m de profondeur et traverser neuf couches souterraines. On procède alors à une fracturation hydraulique, une fissuration de la roche à l'aide d'explosif. Le pétrole remonte à la surface sous forme liquide. Ce procédé est controversé, car loin d'être écologique et a provoqué des tremblements de terre. La pression dans les sous-sols par injection de grandes quantités d'eau et de sable est remise en cause. Mais les salaires progressent et atteignent des records. Le secteur immobilier en témoigne : on construit massivement dans la région, parfois même à côté des puits de pétrole. En quatre mois, des lotissements sortent de terre, les promoteurs ont du mal à suivre la demande. La ruée vers l'or noir n'est pas près de s'arrêter.

Reportage de Jacques Cardoze, Clément Voyer, Arielle Monange et Courtney Vinopal

États-Unis : parcs nationaux et aires protégées menacés par l’exploitation pétrolière

Pour pallier au manque d’entretien des parcs nationaux américains et au sous-financement chronique du National park service, l’administration Trump propose une solution controversée : utiliser les bénéfices de l’exploitation d’énergie dans les parcs nationaux pour les entretenir. Des collectifs de citoyens s’inquiètent des conséquences environnementales du projet.

Depuis plusieurs semaines, des organisations de protection de l’environnement demandent à l'administration Trump d'annuler les projets de concession de milliers d’hectares de terres publiques fédérales à des entreprises privées pour le développement pétrolier et gazier à proximité du parc national de Great Sand Dunes dans l'ouest du Colorado.

"Ce plan de fracturation ruinerait certains des habitats fauniques les plus pittoresques, les plus reculés et les plus précieux du Colorado", a déclaré Diana Dascalu-Joffe, avocate en chef au Centre for Biological Diversity. "Malheureusement, rien n'est plus important pour l'administration Trump que les bénéfices de l'industrie des énergies fossiles."

Le cas de Great Sand Dunes n’est pas isolé.  416 autres aires protégées (dont 58 autres parcs nationaux) pourraient elles aussi être affectées par des projets similaires. En effet, l’administration Trump a annoncé vouloir financer l’entretien des sites protégés du domaine fédéral avec l'argent que le gouvernement pourrait récupérer grâce à l’exploitation du pétrole, du gaz naturel mais aussi de l'énergie éolienne et solaire sur le domaine public.

Le projet de l’administration Trump prévoit notamment que le secrétaire à l'Intérieur puisse autoriser les oléoducs et les gazoducs privés à traverser certaines zones protégées du domaine public, sans consulter le Congrès.

Les forages pétroliers et gaziers seraient également autorisés au large des côtes de l'Oregon et de Washington pour la première fois et de nouvelles concessions pourraient également être accordées en Californie, une première depuis 1984.

Plus généralement, il s’agirait de la plus grande expansion de l’exploitation pétrolière en mer dans l'histoire des États-Unis, rendant 90% du plateau continental extérieur disponible pour l'exploration et l’exploitation.

Dans la célèbre revue de vulgarisation scientifique Scientific America, la journaliste scientifique Dana Hunter affirme que les États-Unis ne seront pas en mesure de réparer les dégats causés par ces exploitations et appelle à la mobilisation. "Nous allons perdre des choses que nous ne pourrons jamais remplacer si nous ne résistons pas", a-t-elle écrit.

Un manque de moyens financiers chronique

L’entretien des infrastructures du parc fédéral américain est très coûteux et le National Park Service doit aujourd’hui faire face à un énorme retard de maintenance de 11,6 milliards de dollars.

En effet, si entre 2006 et 2017 le nombre total de visiteurs dans les parcs est passé de 273 millions à 331 millions et le nombre de sites du domaine fédéral protégés est passé de 390 à 417, le budget alloué aux parcs nationaux est resté plus ou moins stable.

Avec cette mesure, l'administration Trump espère doter le fonds d'entretien du domaine fédéral de pas moins de 18 milliards de dollars. "Nous pensons que nous pouvons y arriver dans huit ans", a déclaré le secrétaire à l'Intérieur, Ryan Zinke au Congrès.

Pourtant, rien ne garantit que le prix du pétrole, fixé par les forces du marché mondial, ou que les États côtiers, riches en pétrole offshore mais réticents à travailler avec Trump pour l'extraire, coopèrent pour générer la somme d'argent projetée par l'administration.

Matt Lee-Ashley, du Center for American Progress a qualifié la proposition d'"approche douteuse, spéculative et incertaine" et certains démocrates s'inquiètent que la nation dépende de plus en plus du développement des énergies fossiles pour financer les parcs.

"Nos lieux les plus précieux ne devraient pas dépendre de la fortune de l'industrie énergétique pour leur succès et leur échec", a déclaré le représentant Raúl M. Grijalva, membre du Comité des ressources naturelles de la Chambre, lors d'une audience.

Jules Béraud

Dakota du Nord: Gaspillage du gaz brulé

ND Gaz de schisteL'exploitation du gaz de schiste et du pétrole, c'est la ruée vers l'or noir dans certain états américain. C'est notamment le cas du Dakota du Nord. Depuis quelques années cet état affiche un plein emploi et attire les travailleurs des quatre coins du pays. La rapidité de l'essor de cette industrie n'est pourtant pas sans conséquence. Les puits de forage se multiplient à une telle vitesse que les compagnies pétrolières ne peuvent récupérer une bonne partie du gaz. Une perte suffisante pour alimenter tous les foyers de Chicago et Washington.

Reportage près de Williston (ND) de Jacques Cardoze, Régis Massini, Arielle Monange et Sherron Lumley.