John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, a affirmé que les objectifs de la COP21 ne seraient pas gravés dans un traité contraignant. Alors que la conférence de l'ONU sur le climat est sur le point de débuter à Paris, ces déclarations ont semé le doute : si le président Obama ne peut pas s'engager par un traité, les engagements pris à l'issue de la conférence seront-ils tenus ? Que vaut la signature du président Obama ? 5 questions pour comprendre.
1Pourquoi Barack Obama ne peut-il pas s'engager sur le objectifs climatiques par un traité contraignant ?
Tout traité doit être approuvé par le Sénat américain à une majorité des 2/3. Or, depuis 2014, les Républicains, dont la majorité ne partagent pas l'engagement de Barack Obama sur le climat, contrôlent le Sénat.
Le texte n'aurait donc aucune chance d'être adopté. C'est pourquoi l'administration Obama propose d'inclure les méthodes qui permettent de réduire les gaz à effet de serre dans le traité, mais pas les objectifs.
2Si un traité ne peut être adopté, quelle alternative pour le président ?
Les Etats-Unis peuvent s'engager à l'international via les ''accords exécutifs du Congrès''. Les "congressional executive agreements" nécessitent l'approbation des 2 chambres – le Sénat et la Chambre des Représentants.
Mais même si Barack Obama obtient cette majorité simple, ajoute Tom Ginsburg, professeur de droit international à l'université de Chicago “une règle informelle permet au Sénat de bloquer les choses de fait, avec seulement 40 votes” : l'obstruction parlementaire (“filibustering”). Pour l'éviter, l'administration Obama doit obtenir les votes d'au moins 60 sénateurs (sur un total de 100).
3Que faire en cas d'échec au Congrès ?
"Les Etats-Unis n'ont pas ratifié Kyoto et ne rechercheront peut-être pas à ratifier formellement le nouveau traité", explique le Pr Ginsburg. "Mais Obama pourrait tout de même mettre en oeuvre des nombreux objectifs [du traité] en utilisant son pouvoir exécutif".
Sur certains points de l'accord, le président pourrait donc adopter des ordres exécutifs en vertu de lois qui existent déjà. Le président peut proposer de nouvelles règles via l'EPA, l'Agence de Protection Environnementale américaine, dont le directeur est nommé par le président.
"Le président américain pourrait par exemple proposer de nouvelles règles en vertu du Clean Air Act", estime le juriste. Le Clean Air Act est un texte de loi qui confère au gouvernement fédéral le pouvoir de réguler les polluants qui menacent la santé publique.
Ainsi, "l'accord [issu de la COP21] donnera une protection politique à de nouvelles règles plus agressives". Les règles ainsi adoptées par l'exécutif ne sont pas soumises au "filibustering" du Congrès.
Restent les obstacles juridiques. "Aux Etats-Unis, nous avons une culture du contentieux", affirme le Pr Ginsburg. "Même après ratification d'un traité, son application peut être remise en question par la justice".
En effet, lorsque l'Agence de Protection Environnementale américaine adopte une nouvelle règle, celle-ci est remise en question par un tribunal. Individus, entreprises, voire même les Etats qui s'estiment lésés par cette nouvelle règle peuvent en effet recourir à la justice. De fait, cela repousserait l'application du traité attendu à Paris.
4Les Républicains pourront-ils revenir sur l'héritage d'Obama ?
Le candidat républicain en tête des sondages Donald Trump répète régulièrement que, s'il est élu, il réduirait drastiquement les financements de l'EPA. Et il n'est pas le seul Républicain à vouloir se désengager des politiques pro-environnement de Barack Obama.
Et en effet, la prochaine administration (qui entrera en fonction en janvier 2017) pourra proposer de nouvelles règles auprès de l'EPA. Ces règles pourront détricoter les mesures de protection de l'environnement décidées par Obama. Mais, du fait de la durée des procédures légales, “cela prendrait du temps”, précise le professeur Ginsburg. Entretemps, on peut imaginer une mobilisation des lobbys pro-environnement et de la société civile pour empêcher ce "détricotage".
Autres leviers pour le prochain président : nommer de nouveaux juges conservateurs à la Cour Suprême; ou tenter de modifier le "Clean Air Act", la base légale des mesures climatiques - à condition qu'il possède une majorité à la Chambre des Représentants et 60% au Sénat, pour éviter le "filibustering". Peu probable, selon le Pr Ginsburg.
Le successeur de Barack Obama pourrait également choisir de retarder la mise en oeuvre des mesures climatiques en ne leur apposant pas le sceau de l'exécutif.
En bref, l'application d'un éventuel accord de Paris dépendra beaucoup de la bonne volonté du prochain président.