Qu'ont en commun Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue et Emily Nussbaum, critique au New Yorker et lauréate du prix Pulitzer ? À en croire une enquête publiée par le Center for Public Integrity, elles auraient toutes deux contribué au financement de la campagne d’Hillary Clinton en 2016.
382.000 dollars à Hillary Clinton
Aux Etats-Unis, nombreux sont les journalistes à faire des donations aux candidats à l'élection présidentielle. Cette année, leur préférence politique va nettement à l’ex-Secrétaire d’Etat, qui totalise à elle seule 96% des contributions émanant de la sphère médiatique. Rien qu’au mois d’août, 430 journalistes ont financé sa campagne à hauteur de 382.000 dollars.
Le profil de ces journalistes-mécènes est très hétéroclite : parmi les personnalités citées dans l’enquête, on retrouve notamment des reporters, des présentateurs, des rédacteurs télé ou radio, appartenant à la presse sérieuse (The New Yorker) autant que tabloïd (Hollywood Reporter). Le montant des contributions varie entre 28 $ et 2 800 $.
14.000 dollars à Donald Trump
Du côté de Donald Trump, les donations des journalistes sont nettement plus modestes : seules 50 personnalités des médias ont contribué au financement de sa campagne en 2016, et le montant total des contributions ne dépasse pas les 14.000 $. Là encore, le profil des donateurs est varié bien qu’il reste, dans l’ensemble, moins journalistique que dans le cas des démocrates : on retrouve beaucoup d’experts, de chroniqueurs ou de commentateurs de chaînes info, comme son ex-directeur de campagne, Corey Lewandowski, qui fut également employé par CNN en tant que spécialiste de la vie politique.
Des pratiques légales mais encadrées par les chartes éthiques
Aux Etats-Unis, aucune législation n’interdit à un employé d'une entreprise de presse de contribuer au financement de la campagne présidentielle. Dans beaucoup de rédactions, ce type de pratique est d'ailleurs tolérée, même si elle demeure encadrée, comme l'explique Abbe Serphos, porte-parole de l'agence Reuters :
“Les journalistes de Reuters sont autorisés à faire des dons à des organismes caritatifs ou politiques tant que cela n’entre pas en conflit avec leur travail éditorial”
Dans la célèbre agence de presse, sept journalistes ont contribué au financement de la campagne de la candidate démocrate en 2016.
Pour ne pas mettre en péril l'indépendance de leurs journalistes, la plupart des rédactions ont mis en place un certain nombre de restrictions et d’interdictions, dans leur charte éthique.
L’Associated Press est assez sévère sur ce point : la célèbre agence de presse américaine stipule qu’“en aucun cas, les salariés ont le droit de financer un candidat ou un parti politique”, sous peine d'être sévèrement sanctionnés.
Des principes déontologiques qui ne s'appliquent pas aux patrons de presse
Malgré ces efforts, la question du conflit d’intérêt peut se poser. Tout d'abord, parce que ces principes déontologiques ne s’appliquent pas à l’ensemble des salariés des entreprises de presse. Dans la plupart des chartes éthiques, seuls les “journalistes” sont mentionnés, laissant la voie libre aux éditorialistes, aux chroniqueurs ou aux critiques artistiques de participer au financement de la campagne des candidats à l'élection présidentielle.
“Je ne couvre pas la politique. Je ne fais pas un travail d’investigation. Je souhaite juste trouver le meilleur pad thai et partager ce que je trouve avec mes lecteurs”, explique Brad Jonhson, critique gastronomique au Orange County Register, qui a fait des donations privées à la campagne d’Hillary Clinton en 2016.
Mais la frontière entre "journalistes" et chroniqueurs n'est pas toujours très étanche. Emily Nussbaum, par exemple, travaille au New Yorker en tant que critique télévision mais a écrit plusieurs articles - particulièrement virulents - sur Donald Trump.
Le cas des patrons de presse peut également soulever un certain nombre d'interrogations. S'ils n'interviennent pas directement sur le contenu éditorial, ils demeurent très influents dans le champ médiatique et sont nombreux à faire des donations privées au parti démocrate. C'est le cas notamment de Chris Hugues, l'ancien patron de New Republic qui contribue au financement de la campagne d'Hillary Clinton.
Des soupçons de collusion sur Hillary Clinton
Dans un tweet, daté du 17 septembre, Donald Trump a régi aux résultats de l'enquête du Center for Public Integrity, en dénonçant le "favoritisme" des médias, infographie à l'appui.
"Journalists shower Hillary Clinton with campaign cash"https://t.co/qZPPX0LO4X pic.twitter.com/NsWbJN01Uu
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 17 octobre 2016
Depuis le début de la campagne, les soupçons de collusion sur Hillary Clinton sont nombreux et restent un argument incontournable de la campagne de Donald Trump.