Après avoir fait campagne pour Barack Obama en 2008, ce chef d’entreprise s’est donné pour mission de faire baisser l’abstention, en cette année électorale. Comme une centaine d’autres patrons, il offrira des congés payés à ses employés, le jour du scrutin. Un nouveau pas vers le « maternalisme » d’entreprise ?
En 2014, le taux d’abstention a dépassé les 63%, lors des élections générales : un record absolu aux États-Unis, depuis la seconde guerre mondiale. Il ne s’agit en rien d’une exception : depuis les années 2000, les citoyens américains votent moins, notamment les classes populaires, qui semblent de plus en plus réfractaires à la participation la plus élémentaire. L’arme la plus démocratique - le vote - serait-elle devenue un couteau sans lame auquel manque le manche, pour reprendre l’image du philosophe allemand, Georg Christoph Lichtenberg ?
On ne s’attend pas forcément à ce que Jim Pugh, fondateur de "Share Progress", tranche dans le vif du problème. A 34 ans, ce chef d'entreprise s'est donné pour mission de faire baisser l’abstention, en cette année électorale. Comme les patrons de « Spotify » et d’ « About.com », il a rejoint le mouvement “Make Election Day Holiday” et accordera des congés payés à ses employés, le jour du scrutin - un mardi.
“Beaucoup de personnes ne votent pas parce qu’elles pensent qu'elles n'ont pas le temps", constate-t-il."Si tout le monde avait un RTT le 8 novembre, le taux de participation serait bien supérieur”
Une entreprise "progressive"
Lui qui fut directeur du développement de la campagne de Barack Obama en 2008, souhaite aujourd’hui imposer sa fraîcheur citoyenne dans le milieu professionnel. A "Share Progress", Jim Pugh défend une conception “progressive” de l'entreprise. Il dit :
"Pour moi, être progressif signifie davantage que soutenir le camp démocrate. C'est travailler, au quotidien, avec des organisations qui aident et protègent les plus démunies et œuvrent pour qu'elles aient une vie meilleure"
Ou encore :
"Construire une culture d'entreprise forte et positive a toujours été ma priorité"
Dans sa startup, l’ambiance est d'ailleurs pensée pour. Au programme : des séjours d’entreprise et des activités de "team building”, dans un cadre professionnel présenté comme humain et bienveillant.
Maternalisme
Depuis les années 80, l’idée est là qu’il faut “gérer les salariés non seulement comme des professionnels qui apportent leurs compétences et leur engagement dans le travail, mais comme des hommes et des femmes avec leurs besoins, aspirations, spécificités humaines, leur idéal, leurs faiblesses aussi” , rappelle la sociologue Danièle Linhart.
A l'ère du management nappé de maternalisme, les employeurs se présentent comme "les garants de la démocratie, et veulent en convaincre leurs salariés comme leurs clients. Ils veulent se montrer éthiquement irréprochables”. Et se sentent aujourd'hui légitimes à s’immiscer dans la vie civique de leurs employés. Comme si le rapport de domination entre les salariés et les patrons dépassait désormais le cadre du bureau.