Une affaire d'agression sexuelle secoue l'Université Stanford

Sur le papier, Brock Turner est le gendre idéal: élève à Stanford, portant sur ses jeunes épaules de vingt ans les espoirs de médailles olympiques américaines en natation, il aurait pu briller à Rio cette année. Mais Turner passera les Jeux en prison.

En mars 2015, le jeune homme a été jugé coupable d'avoir agressé sexuellement une jeune femme intoxiquée et inconsciente derrière une poubelle, lors d'une fête de fraternité de l'université d'élite. Selon la loi américaine, il risquait jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Le procureur en a requis six.

La victime n'a pas de souvenir de l'agression jusqu'à son réveil à l'hôpital. Appelée à la barre en mars dernier, elle a livré une longue déclaration à son violeur, décrivant dans les moindres détails le calvaire qu'elle a subi dans les jours suivants. "Tu as pris ma valeur, ma vie privée, mon énergie, mon temps, ma sécurité, mon intimité, ma confiance en moi, jusqu'à aujourd'hui," a-t-elle asséné. Un discours cru et sans détour qui a ému Internet, mais qui n'a pas suffi à convaincre le juge Persky, responsable de l'affaire, de la gravité des actes commis.

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Car bien que Brock Turner ait été déclaré coupable, il n'a ni été condamné aux 14 ans requis par la loi, ni aux 6 proposés par le procureur. En raison de "l'impact sévère" que pourrait avoir sur lui la prison au vu de son jeune âge, le juge a considérablement réduit la sentence. Turner a fini par écoper de six mois de prison, dont trois fermes, et de trois ans de probation.

Dans une lettre à son agresseur énoncée lors du procès, la victime dénonce l'épreuve traumatisante qu'il vient de lui faire traverser, mais aussi les agressions sexuelles multiples qui ont lieu sur les campus américains. Elle répond à la défense de l'avocat de Turner, qui accuse la "culture de la boisson" dans les universités d'être responsable des actes du jeune homme: "La culture de la boisson sur les campus. C'est ce que tu dénonces ? Tu penses qu'il s'agit là de ce contre quoi je me suis battue pendant un an ? Pas la reconnaissance des agressions sexuelles du campus, ou du viol, ou d'apprendre à reconnaître le consentement ? (...) Tu réalises qu'avoir un problème d'alcool est différent de boire et de forcer quelqu'un à avoir des relations sexuelles avec toi ?"

Le juge Persky

Le juge Persky

Comme en réponse à cette lettre, le père de l'agresseur, Dan Turner, a choisi d'écrire son propre point de vue sur l'affaire et sur la sentence imposée à son fils. Pour lui, six mois de prison sont trop importants: "Sa vie ne sera jamais celle dont il a rêvé et pour laquelle il a tant travaillé." Turner piétine les arguments de la jeune femme, tout en plaçant son fils dans le rôle de la victime. "Il ne mange presque plus assez pour vivre," écrit-il. Paroxysme de la déconnection, le père décrit l'agression de son fils comme si elle n'en était pas une, jugeant que finalement "le prix est cher pour 20 minutes d'action" dans les "20 ans d'existence" de son fils.

Depuis dimanche, les "20 minutes d'action" par lesquelles le père de Brock Turner choisit de voir le comportement de son fils enflamment Internet. De son côté, le juge Persky doit lui aussi faire face à la fureur des internautes. En campagne pour sa réélection jeudi prochain, une pétition en ligne vient de demander sa résiliation. A ce jour, elle a recueilli plus de 15 500 signatures.

A.S.

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé