Beyoncé a recommencé. Après la publication inattendue de son opus éponyme en 2013, la superstar a révélé samedi dernier un album visuel surprise, Lemonade.
La pièce de 56 minutes a été diffusée samedi soir, en première partie de soirée : la pop-star a un message politique à faire passer. Son objectif : replacer la femme afro-américaine au centre.
Le nom de Beyoncé couvre l’ensemble de cet opus : de l’écriture à la production, elle a orchestré la création de Lemonade. Chaque ligne, chaque featuring, chaque costume est intentionnel, au service du message politique qu’elle cherche à livrer à travers son histoire personnelle. La chanteuse s’épanche sur sa relation, exprime ses problèmes de couple avec Jay Z, son rappeur de mari, soupçonné d’infidélité, et l’utilise pour illustrer la vie et les injustices subies par la femme noire aux Etats-Unis.
« Passé et présent se rejoignent samedi », avait-elle annoncé en dévoilant une vidéo cryptique la semaine dernière:
Lemonade entremêle les images passées d’un sud des Etats-Unis esclavagiste, avec celles de parkings vides et délabrés des structures contemporaines. A chaque fois, les seules personnes présentes en dehors de la chanteuses sont les protagonistes de l’album : les femmes afro-américaines. Beyoncé leur donne le pouvoir en criant et dansant sa rage avec elles. Dans son titre « Don’t Hurt Yourself », elle invoque Malcom X à travers l’une de ses plus célèbres citations : « La femme la moins respectée aux Etats-Unis est la femme noire. La personne la moins protégée aux Etats-Unis est la femme noire ».
A travers ses douze vignettes, l’album explore la culture afro-américaine, accueillant à bras ouvert les nouvelles stars noires du cinéma, mais aussi de la littérature (l’album reprend plusieurs vers de la poétesse Anglo-Somalienne Warsan Shire) ou encore de l’art visuel (Laolu Senbanjo, artiste d’origine nigériane, a réalisé les peintures sur corps du morceau « Sorry »).
Le titre « Freedom » s’annonce comme la pièce maitresse de l’album; la chanteuse y est accompagnée par le prodige du rap Kendrick Lamar. Résolument politique, Lamar s’est récemment illustré par une performance évoquant les bavures policières subies par les Afro-Américains aux Etats-Unis. Chéri du public comme de la critique, son titre « Alright » est devenu l’hymne du mouvement activiste pour les droits des noirs Black Lives Matter. Ce n’est donc pas un hasard si, dans la vignette de cette chanson, Beyoncé invoque les origines du mouvement : les mères de Trayvon Matin, Eric Garner, et Michael Brown (dont la mort avait déclenché les émeutes de Ferguson en 2014), sont au centre du clip, serrant dans leurs bras les portraits de leurs fils décédés après des bavures policières.
Beyoncé livre dans un dernier album visuel et surprise une déclaration d’amour aux femmes afro-américaines. Une ode qui, au-delà des atermoiements personnels que la superstar illustre elle-même, est une prise de position politique. Beyoncé se rêve en « Bill Gates noire », comme elle l’annonce dans sa chanson «Formation». Samedi dernier, elle s’est imposée comme la voix d’une génération.
A.S