Après des années de consensus et de political correctness, les stars du showbiz sont-elles en train de récupérer « Black Lives Matter », le mouvement de défense des droits des noirs aux Etats-Unis ?
Ces dernières semaines, plusieurs stars noires du hip-hop et de R'n'B ont pris position en faveur du mouvement, dans le combat contre la discrimination et les violences policières qui s'abattent sur les communautés noire américaine.
Tout commence (comme d'habitude) avec Beyoncé. Dans le clip Formation, publié le 6 février, la légendaire pop-star revendique avec ferveur son héritage black et embrasse la cause noire. Elle chante les victimes de l'ouragan Katrina, juchée sur une voiture submergée. La dernière image du clip est un graffiti : « Stop shooting us. » Avec cette chanson, la chanteuse a même réussi à politiser la mi-temps du 50ème Super-Bowl, accompagnée de danseuses vêtues à la manière des Black Panthers.
Les Blacks Panthers, un mouvement révolutionnaire noir autrefois considéré comme terroriste, on les retrouve dans les poings levés lors du lancement du nouvel album de Kanye West : Life of Pablo.
Et surtout, il y a Kendrick Lamar, le nouvel empereur du hip-hop politisé, encensé par la critique et le président des Etats-Unis en personne. Une de ses chansons, Alright est devenu le clip officieux de Black Lives Matter. Lors des Grammy, le rappeur a frappé un grand coup. Il arrive sur scène, bleu de prisonnier, chaines aux mains et oeil poché, pour dénoncer les taux d’incarcération des noirs aux Etats-Unis.
Shoutout to @KendrickLamar and all the artists at the #Grammys working to build a brighter future. #MyBrothersKeeper https://t.co/XM0KwV3jNB
— The White House (@WhiteHouse) February 16, 2016
Inspiration, ou récupération ?
Cette nouvelle génération d'égéries politiques est loin de plaire à tout le monde. Il y a d'abord eu la fureur des milieux conservateurs contre Beyoncé, parodiée dans l’émission Saturday Night Live avec le sketch « Le jour où Beyoncé est devenue noire ».
Mais les critiques proviennent aussi des activistes noirs de longue date, qui taxent la chanteuse d'opportunisme. Quelques jours après la publication de Formation, des voix s’élevaient déjà contre Beyoncé, l’accusant d’exploiter commercialement le traumatisme subi par la communauté noire de la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina. Des critiques qui rappellent celles suscitées par sa performance aux VMA en 2014, où Beyoncé avait clamé son adhésion au féminisme et subi les sarcasmes d'activistes de longue date.
Kanye West n'a pas non plus échappé aux polémiques. Le rappeur a déclaré s’être inspiré d’une photo du génocide rwandais de 1995 pour son défile Yeezus Season 3 :
SEASON 3 / WAVES / MADISON SQUARE GARDEN / INTERNATIONAL CINEMAShttps://t.co/6u1aPYUwQ8 pic.twitter.com/SkEeTGgoMu
— KANYE WEST (@kanyewest) February 1, 2016
Une « inspiration » qui a suscité la colère des internautes, qui l’ont accusé de monétiser un génocide.
Mais quelle qu'en soit la perception, les prises de position de Beyoncé, West ou Kendrick Lamar démontrent que le mouvement Black Lives Matter fait désormais partie de la scène politique américaine.
Comme l'analyse le site d’actualité Mic.Identities, les artistes noirs peuvent apporter leur soutien à la cause noire sans risquer leur carrière. Une étape cruciale quand, il n'y a pas si longtemps, les Black Panthers étaient considérés par John Edgar Hoover comme « la plus grande menace pour la sécurité intérieure du pays. »