Un article du Mountain Echo, le journal étudiant de l'Université de Mount Saint-Mary dans le Maryland, donne un aperçu révélateur de la mentalité de prédation qui peut s'emparer des universités américaines dans un domaine de plus en plus compétitif.
L'article détaille la technique conçue par le président de l'université, Simon Newman, pour identifier et rejeter les premières années susceptibles de quitter l'université avant leur diplôme, et donc de nuire au précieux "taux de rétention" des étudiants. Ce taux est considéré comme très important par les publications qui classent les universités américaines, et ce classement, en retour, se répercute sur le prix d'une année scolaire (17 600$ par an à Mount Saint Mary).
Un test caché pour déterminer des admissions
Les universités américaines disposent déjà d'un pouvoir total dans la sélection de leurs étudiants. Toutes les entrées se font sur dossier, basées surtout sur les notes au lycée et les activités extra-scolaires. Des données insuffisantes pour le président, qui souhaite réduire l'admission de "bons" élèves susceptibles de craquer sous la pression.
Pour identifier ces "maillons faibles", l'Université a donc eu recours à un sondage distribué pendant la période d'orientation des premières années. Selon un e-mail du chargé du recrutement ("sur requête du président") le sondage sert à: "développer de nouvelles méthodes d'analyses avancées dans le choix des étudiants."
Pourtant, voici comment le même sondage est présenté aux étudiants qui le remplissent:
Cette année, nous allons commencer la période d'orientation en vous proposant un outil très utile, qui vous permettra de mieux vous connaître vous-même. Ce sondage a été développé par une équipe de l'université, et basé sur les dernières recherches dans les domaines de la motivation personnelle et des facteurs clé pour déterminer la motivation, le succès et le bonheur personnel. Nous allons vous poser des questions à propos de vous, et nous aimerions que vous y répondiez le plus fidèlement possible. Il n'y a pas de mauvaises réponses.
Certes, les éléments qui serviront au final à sélectionner les étudiants (motivation, succès, leadership...) sont mentionnés. Mais le sondage est présenté comme un outil de "développement personnel" ou il n'y a "pas de mauvaises réponses". Aucune mention n'est faite de l'importance de cet outil dans le processus d'admission de l'université.
"Il faut noyer les petits lapins"
Le président de l'université s'est attiré l'opposition d'une partie du corps professoral dès que le sondage a été proposé. Certains professeurs en particulier, se plaignent directement par mail du manque d'éthique de ce test secret.
- Le prévôt de l'université, David Rehm écrit qu'il est: "Profondément inquiet, sur plusieurs plans" par rapport à l'utilité du test.
- Le doyen, Josh Hoshchild: "Si l'un des buts de ce test est d'éliminer des étudiants, c'est contraire à l'éthique. Comment pourrions nous en bonne conscience faire passer ce test?"
- L'assistante-prévôt, Leona Sevick rajoute: "On ne peut pas éliminer des étudiants parce que l'on pense qu'ils ne vont pas réussir."
La réponse du président? "Je comprend que ça soit difficile pour [vous], parce que vous pensez à vos étudiants comme à des petits lapins tout doux. Mais vous ne pouvez pas. Il faut noyer les petits lapins." Avant de rajouter: "Leur mettre un Glock sur la tempe."
Le New York Times rapporte que depuis la publication de l'article du Mountain Echo, le superviseur des étudiants journalistes, Ed Egan a été licencié, tout comme un autre professeur très critique pour "déloyauté par rapport à l'université". David Rehm a été déchu de ses fonctions de prévôt de l'université.