L'Académie des Oscars devrait bientôt d'annoncer de nouvelles mesures pour favoriser la diversité parmi les artistes récompensés à Los Angeles. Une façon de répondre au hashtag #OscarsSoWhite, qui a fait son retour sur les réseaux sociaux ce mois-ci, après l'annonce des nominations des Oscars. L'année dernière déjà, des internautes avaient manifesté leur mécontentement, jugeant que la cérémonie de récompense du cinéma américain manquait de diversité. Pourquoi cette polémique sur la "blancheur" des Oscars ? Cinq questions pour comprendre.
Que reproche-t-on aux Oscars ?
Les 20 acteurs nominés pour leur performance cette année sont de couleur blanche. Pourtant, dans le casting, on comptait de nombreux nominés potentiels noirs.
Idris Elba, seigneur de guerre africain dans "Beasts of No Nation", était parmi les candidats potentiels ; tout comme Michael B. Jordan pour son rôle de boxeur dans "Creed", spin-off de Rocky qui raconte l’histoire d’un jeune boxeur noir (c'est finalement Sylvester Stallone, un acteur blanc, qui a été nominé pour sa performance dans "Creed"), Will Smith pour son rôle dans "Seul contre tous" ou encore l'un des acteurs principaux de "Straight Outta Compton", sur le groupe de hip-hop N.W.A.
Par ailleurs, relève le New York Times, les films "à thème noir" comme "Straight Outta Compton" qui parle d'un groupe de rappeurs noirs, ou "Beasts of No Nation" qui aborde le thème des enfants soldats en Afrique, n'ont pas été nominés dans la catégorie "meilleur film".
"En d'autres termes", résume un autre article du NYT, "les seules bénédictions octroyées par l'Académie [des Oscars] pour les plans grands films qui parlent de personnages Afro-Américains sont allées à des blancs" - Sylvester Stallone pour son rôle dans "Creed", et les scénaristes (tous les trois blancs) de “Straight Outta Compton”, qui a été nominé dans la catégorie "meilleur scénario".
Qui a menacé de boycotter la cérémonie ?
L’actrice noire Jada Pinkett, épouse de Will Smith qui n'a pas été nominé, a annoncé qu'elle boycotterait la cérémonie du 28 février pour protester contre son manque de diversité. "Il est peut-être temps de retirer toutes nos ressources, et de les réinvestir dans notre communauté, nos programmes, et de créer des productions pour nous-mêmes qui reconnaissent nos mérites" dit-elle dans cette vidéo postée sur Facebook.
"Ma femme, Mme Tonya Lewis Lee et moi, ne nous rendrons pas à la cérémonie des Oscars en février prochain. Nous ne pouvons pas la cautionner (...) Comment est-ce possible que, pour la deuxième année consécutive, les 20 acteurs nominés dans la catégorie soient tous blancs ? Et ne parlons même pas des autres branches", peut-on lire sur sa page Instagram. Spike Lee, qui a lui-même été nominé deux fois aux Oscars, critique régulièrement le manque de diversité à Hollywood.
Chris Rock, le présentateur (noir) de la cérémonie et humoriste, a ironisé sur la "blancheur" des Oscars dans un tweet mais n'a pas annulé sa participation - bien que le rappeur noir américain 50 Cent l'ait prié de "ne pas faire les récompenses des Oscars" sur Instagram.
Qui est responsable ?
Alors, la faute à des discriminations, ou au hasard ? En fait, ni l'un, ni l'autre : le manque de diversité s'explique notamment par le système de nomination des Oscars.
"Des doigts ont immédiatement été pointés vers l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui distribue les Oscars et qui, malgré des efforts pour diversifier ses effectifs ces dernières années, est toujours inclinée vers des hommes blancs et âgés, selon une investigation du Los Angeles Times qui date de 2012", écrit le NYT.
Ce sont en effet les membres de l' "Academy of Motion Picture Arts and Sciences" - 6 000 professionnels du cinéma du monde entier - qui sélectionnent les nominés des Oscars. Or, selon une étude du Los Angeles Times, l'académie était composée à 93% de blancs et 76% d'hommes en 2012 - même si c'est une femme noire, Cheryl Boone Isaac, qui est à la tête de l'académie depuis 2013.
La présidente a la "coeur brisé" par le manque de la diversité
Lundi, celle-ci a affirmé "avoir le coeur brisé et être frustrée par ce manque de diversité". "Nous avons amorcé les changements qui pourront nous permettre de diversifier nos membres. Mais ils n’arrivent pas aussi vite que nous souhaiterions", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.
L'année dernière, Boone Isaacs a annoncé un plan baptisé "A2020" pour encourager la diversité à Hollywood, décrit sur le site des Oscars comme "une initiative de 5 ans pour augmenter la diversité dans l’industrie du film, devant et derrière la caméra".
Pourquoi est-il compliqué de désigner un responsable ?
Au-delà de la composition de l'académie, ce manque de diversité "provient probablement d'une confluence trouble de facteurs à la fois infimes et importants", peut-on lire dans le NYT.
Parmi ces facteurs, cités par le journal, on compte le processus de sélection des Oscars, qui a désavantagé "Creed" et "Straight Outta Compton", deux films qui parlent de personnages noirs, dont les studios ne s'y sont pas pris à temps pour faire du lobbying afin d'obtenir une nomination.
"Et, peut-être le facteur le plus important de tous les facteurs", selon le Times, est le manque de diversité dans le cinéma américain : "parmi les 305 films éligibles pour les Oscars, un grand nombre d'entre eux ne représentent pas, sur le plan démographique, les vies et l'apparence des spectateurs".
Quelles sont les mesures pro-diversité que pourrait adopter l'Académie des Oscars ?
C'est le New York Times qui a révélé le projet d'annoncer de nouvelles mesures, qui être révélées dès la semaine prochaine. Les sources citées par le journal, qui ont souhaité rester anonymes ont abordé plusieurs changements possibles. En voici quelques-uns :
-nominer 10 films dans la catégorie "meilleur film" (contre 8 actuellement), comme c'était le cas en 2010 et 2011. Cette année, "Straight Outta Compton" ou "Creed" auraient pu figurer dans la liste.
-nominer 8 à 10 acteurs dans chaque catégorie de "meilleur acteur". "Elargir les nominations des acteurs pourrait favoriser plus de concurrents noirs, hispaniques ou asiatiques", lit-on dans le Times.
-retirer le droit de vote aux membres de l'académie qui n'ont pas eu d'activité dans l'industrie cinématographique depuis plusieurs années
En revanche, il ne serait pas question de modifier le mode de scrutin qui détermine l'élection des nominés.