La conférence de l'ONU sur le climat débutera à Paris le 29 novembre, avec pour objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius d'ici la fin du siècle. Cela passe, pour François Hollande, par la signature d'un accord "universel, durable, contraignant" entre les Etats-parties à la conférence.
En septembre dernier, le chef d'Etat français affirmait en effet que si le texte n'avait pas de force légale, la France ne le soutiendrait pas. "Il s'agit d'actes, il ne s'agit pas de proclamations".
Les déclarations du secrétaire d'Etat américain John Kerry au Financial Times ont donc provoqué un tollé, il y a quelques jours. Il n'y aura "pas d’objectifs de réduction [des émissions de gaz à effet de serre] juridiquement contraignants", avait-il affirmé. François Hollande a réagi en répétant que l'accord international conclu à Paris serait "contraignant", sans quoi "il n’y aura pas d’accord".
Pourquoi cette dissonance ? L'administration Obama refuse-t-elle d'engager les Etats-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique sur plusieurs années ? 3 questions pour mieux comprendre.
Les Etats-Unis tentent-ils de saboter la COP21 ?
Non. Barack Obama veut laisser le souvenir d'un président à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Il n'a donc aucun intérêt à saboter la COP21.
Pour autant, il ne peut pas s'engager sur un traité contraignant. "A ce stade, il est prématuré de se prononcer sur la forme légale finale de l'accord", a affirmé Ben Rhodes, conseiller national adjoint pour les Communications stratégiques des États-Unis, lors d'un appel avec des journalistes. Il a ajouté que la forme légale du texte dépendra de son contenu.
Alors, quel est le problème ?
Selon la Constitution américaine, tout traité doit être approuvé par le Sénat américain à une majorité des 2/3. Or, depuis 2014, les Républicains contrôlent le Sénat. Ces derniers ne partagent pas l'engagement de Barack Obama sur le climat.
C'est pourquoi John Kerry ne veut pas inclure les mesures les plus contraignantes dans un traité international : le texte n'aurait aucune chance d'être adopté.
François Hollande l'a lui-même affirmé : l'administration Obama fera face à des difficultés au Congrès pour faire ratifier tout traité. L'apparent conflit est donc surtout une question légale, et de communication.
Suite à la publication de l'interview de John Kerry, le ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius avait d'ailleurs regretté "une formulation qui aurait pu être plus heureuse" sans remettre en question la volonté politique de Kerry.
Pourquoi John Kerry a-t-il mentionné l'accord de Kyoto ?
L'accord de Kyoto fixait des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Signé en 1997, il n'a jamais été ratifié par le législateur américain et est donc resté lettre morte.
"Nous avons tiré les dures leçons de Kyoto, et tenu compte du besoin d'un [accord entre les partis démocrate et républicain]", a affirmé Paul Bodnar, un conseiller d'Obama sur le sujet du réchauffement climatique, au téléphone avec des journalistes. "Nous en avons conclu que les objectifs climatiques doivent être fixés par les pays eux-mêmes, et non pas imposés à eux." En clair : les méthodes qui permettent de réduire les gaz à effet de serre seraient inscrites dans le traité, mais pas les objectifs.
“On parle alors de soft law : le traité peut ne pas imposer d'obligations légales, mais malgré tout permettre aux pays de coordonner leurs actions” explique Tom Ginsburg, professeur de droit international à l'université de Chicago. “Bien sûr, ce n'est pas la meilleure option”, ajoute-t-il, “mais parfois, c'est ce qu'on peut obtenir de mieux”.
Même du côté des lobbys pro-environnement, on se satisfait du "moins pire". “On ne peut pas appeler [le texte] un traité, parce qu'un traité nécessiterait des votes que nous n'avons pas" , plaide John Coequyt, chargé des questions climatiques à Sierra Club, un lobby pro-environnement qui conseille l'administration Obama. “Les dispositions centrales de l'accord doivent être contraignantes. Mais les autres engagements ne pourront pas être contraignants sur le plan légal”.
Pour en savoir plus : COP 21 : Barack Obama peut-il engager les Etats-Unis pour plusieurs années ?