Le cancer a emporté Kim Suozzi à l'âge de 23 ans. Mais Kim est partie avec un espoir : celui de revivre un jour, grâce à la cryogénisation de son cerveau.
Kim Suozzi, décédée d'une tumeur du cerveau en janvier 2013, était étudiante en neuroscience. Pas de quoi financer la conservation de son cerveau, pour 80 000 dollars (plus de 70 000 euros). Alors, elle a fait appel aux dons des internautes - avec succès : le cerveau de l'étudiante est désormais conservé par Alcor, un organisme qui se dit à but non lucratif, en Arizona.
La cryogénisation est une pratique marginale en Amérique. Mais au moins 4 organismes proposent ce service. Jacques Cardoze, Laurent Desbois et Fabien Ortiz se sont rendus dans l'un d'entre eux, le Cryonics Institute, dans le Michigan, qui se présente comme une organisation à but non lucratif :
Pour aller plus loin : la cryogénisation en 5 questions
1Combien ça coûte ?
Le Cryonics Institute propose la cryogénisation du corps à partir de 28 000 dollars (environ 25 000 euros). La somme n'inclut pas les coûts de transport de votre corps après la mort.
Chez Alcor, il faudra débourser 80 000 dollars (72 000 euros) pour conserver votre cerveau uniquement, comme Kim Suozzi, et 200 000 dollars (180 000 euros) pour le corps entier. L'organisme propose notamment de financer l'opération en contractant une assurance-vie qui bénéficiera à Alcor.
2Comment ça marche ?
Selon Alcor, le corps doit être placé dans un bain de glace juste après la mort. Le battement du coeur doit être maintenu artificiellement pour que le cerveau soit toujours irrigués de sang, jusqu'à ce qu'une machine prenne le relai. Le sang est ensuite remplacé par un liquide antigel. La solution empêche la formation de cristaux de glace, qui peuvent endommager les cellules.
Le corps du patient est ensuite refroidi, en quelques heures, grâce à un gaz, l'azote, jusqu'à - 125 degrés, un processus appelé la "vitrification".
Progressivement, dans les deux semaines qui suivent, la température du corps est refroidie jusqu'à - 196 degrés. Le patient est alors stocké dans de l'azote liquide.
Il doit ensuite être dûment surveillé pour éviter toute fracturation du corps, courante lorsqu'on refroidit de larges objets.
3Les corps sont-ils congelés ?
Non : malgré le froid, il ne s'agit pas d'une congélation, puisqu'il n'y a pas de glace. La vitrification est un procédé qui remplace au moins 60% de l'eau des cellules par une solution synthétique. Au lieu de geler, les molécules sont ralenties jusqu'à être complètement immobilisées, à - 124 degrés, selon le site d'Alcor.
4Quand pourra-t-on réveiller les cryogénisés ?
En réalité, il n'existe aucune certitude que ces corps ou ces cerveaux pourront être "réveillés" un jour - ou s'ils seront les mêmes personnes.
On sait déjà cryogéniser les ovocytes (cellules sexuelles féminines) - une pratique remboursée pour les employées des géants américains de la tech comme Facebook ou Apple, trop occupées pour avoir des enfants pendant leurs années fertiles. Mais on ne sait pas ce qui ressortira de la cryogénisation d'un corps entier - et notamment d'un cerveau, composé de milliards de cellules, les neurones, qui sont reliés par de précieuses connexions, les synapses. Quels sont les dommages qu'aura subi le cerveau au cours du procédé de vitrification ?
Alcor le reconnaît : "la plupart des experts, quel que soit leur domaine de prédilection, diront qu'ils ne connaissent aucune preuve que la cryogénisation peu fonctionner". L'organisme compare le procédé au voyage dans l'espace, qu'on pensait impossible à une époque.
Ce qu'espère Alcor, c'est qu'un jour ses clients pourront être réveillés et "réparés" par la médecine, qui aura évolué entretemps. Dans le cas de Kim Suozzi, il s'agira de traiter le cancer du cerveau qui a causé sa mort.
5Si on ne les réveille pas, pourra-t-on utiliser les informations contenues dans notre cerveau pour fabriquer un autre "soi" ?
D'autres scientifiques spécialistes du cerveau espèrent recréer la conscience humaine sur un ordinateur à partir des informations contenues dans le cerveau cryogénisé : la carte de synapses qui relient les neurones, appelée le "connectome".
Une hypothèse qu'a rejetée le scientifique Michael Hendricks, spécialiste du cerveau, après la publication d'un long article sur l'histoire de Kim Suozzi dans le NYT. "La science nous apprend qu'une carte des connexions [du cerveau] ne suffit pas à simuler, ni encore moins dupliquer, un système nerveux", a-t-il écrit dans une tribune pour le MIT Technology Review. "Premièrement, quelles sont les informations qui sont nécessaires pour dupliquer un esprit humain ? Deuxièmement, les méthodes de congélation actuelles et à venir pourront-elles conserver ces informations, et comment ces informations seront-elles récupérées ? Troisièmement, et de la manière la plus contre-intuitive, une simulation serait-elle vraiment 'vous'?"