Près de New York, les habitants d'une ex-communauté nazie doivent prouver leur origine allemande

Le camp nazi Siegfried à Yaphank. Crédit : FBI. Source : Long Island History Journal

Dans une ancienne communauté nazie, à une centaine de kilomètres de la ville de New York, un héritage nazi subsiste depuis la fin de la Seconde Mondiale : l'un des quartiers de Yaphank exige toujours de ses habitants qu'ils prouvent leur origine germanique, raconte le New York Times.

Un ancien camp d'été pro-nazi

Tout commence en 1936 avec la fondation du German American Bund, une organisation pro-nazie qui regroupe des Américains d'origine allemande. L'association, d'envergure nationale, crée une branche dans le petit village de Yaphank, sur l'île de Long Island, dans l'état de New York. Non loin de Manhattan, les petites maisons de Yaphank accueillent les centaines de participants du Camp Siegfried, un camp d'été pro-nazi. Les rues sont baptisées du nom de dignitaires national-socialistes, dont Adolph Hitler et Joseph Goebbels.

Le camp Siegfried. Crédit : Miller. Source : Long Island History Journal

Le camp Siegfried. Crédit : Miller. Source : Long Island History Journal

Après la Seconde guerre mondiale et la chute d'Hitler, le nazisme perd de nombreux adeptes aux Etats-Unis. Le fondateur du German American Bund, Fritz Julius Kuhn, est exilé en Allemagne. Finies les parades de chemises noires. Les rues de Yaphank sont re-baptisées et les svastikas et autres symboles nazis disparaissent.

Des propriétaires "d'origine allemande" uniquement

Mais un héritage subsiste : la branche locale du German American Bund s'est transformée en Ligue d'occupation germano-américaine, qui reste propriétaire des terrains sur lesquels étaient organisés les camps d'été nazis. Le règlement de la Ligue exige que les propriétaires de la cinquantaine de maisons situées sur ses terrains soient d'origine allemande. Résultat : les 45 familles de la communauté sont quasiment tous blancs, selon le NYT. Les noms à consonance germanique "tels que Miethe et Korneffel" y sont également nombreux.

Le portail de la Ligue d'occupation germano-américaine. Source : Long Island History Journal

Vendre sa maison : un casse-tête

L'une de ces familles, les Kneer, d'origine allemande, raconte que lors de l'achat de leur maison en 1998, la mère de Patricia Flynn-Kneer a été interrogée en allemand par la Ligue - une manière de vérifier leurs origines allemandes. Au moment d'emménager, le couple accepte les règles dictées par la Ligue.

Mais après 8 ans à Yaphank, ils décident de vendre la maison pour un logement plus spacieux. Pour cela, ils doivent respecter le règlement écrit de la Ligue, qui possède le terrain sur lequel vivent les Kneer. Problème ? Cela suppose de trouver un nouveau propriétaire d'origine allemande, selon eux.

En effet, la Ligue interdit d'afficher un sigle "à vendre" sur la maison, ou de passer par une petite annonce publique. La vente doit être publiée uniquement auprès des membres de la Ligue et de leurs amis. En vente depuis 2006, la maison des Kneer n'a toujours pas trouvé preneur. La faute, selon ces derniers, à cette règle, qui permettrait de contrôler l'origine ethnique des habitants. Le couple dénonce une pratique discriminatoire et a entamé une action en justice ce mois-ci.

Des règles désuettes

Le président de la Ligue dément toute discrimination sur la base de l'origine, tout en admettant que cela a pu avoir lieu par le passé. Les règles garantissant l'origine germanique des habitants sont selon lui "désuettes". Les habitants interrogés par le Times confirment : les plus jeunes d'entre eux, dont les époux et épouses des membres de la Ligue, sont "d'origine italienne, irlandaise et juive". Les résidents interrogés affirment aussi que la petite communauté n'a plus rien de nationaliste, et n'organise aucun événement lié à l'Allemagne - si ce n'est l'Oktoberfest.

Le cliché de l'Oktoberfest

Pour ceux qui ne connaîtraient pas : le cliché de l'Oktoberfest

Selon l'un d'entre eux, les nouveaux habitants sont de plus en plus nombreux par rapport à la nouvelle génération (d'origine allemande). Ils seront bientôt en supériorité numérique.

"On se sent comme des animaux en cage"

Pour autant, les Kneer continuent leur combat pour l'abrogation des règles héritées des Nazis pour pouvoir vendre leur maison. "On se sent comme des animaux en cage ici", a déclaré Philip Kneer au Times. "C'est terrible pour tout le monde - pour les enfants, pour nous, et même pour nos chiens". Comme preuve que rien n'a changé depuis les années noires de Yaphank, le couple brandit une photographie récente, prise au QG de la communauté. Elle montrerait un médaillon nazi sur un drapeau allemand.

Regardez le reportage réalisé par la branche new-yorkaise de CBS :

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé