Une bataille au sommet se joue pour décider qui sera le prochain Speaker du parlement américain. En septembre, John Boehner annonçait sa démission du poste. Quelques jours plus tard, le favori Kevin McCarthy se retirait de la course. Alors que les Républicains lui cherchaient un remplaçant, Paul Ryan, ex-partenaire du candidat Mitt Romney pendant la présidentielle 2012 a affirmé cette semaine qu'il était prêt à se présenter. Mais à une (lourde) condition : le parti tout entier doit s'unir derrière lui. Sous-entendu : il veut obtenir le soutien de la frange conservatrice des Républicains, responsable de la démission de John Boehner.
Pourquoi les Républicains ont-ils tant de difficultés à trouver un Speaker, position pourtant si convoitée ? 5 questions pour comprendre.
1A quoi sert le Speaker ?
Le Speaker (littéralement, "orateur") est le président de la Chambre des Représentants, l'équivalent du parlement américain. Dans les faits, il est le chef des Républicains (le chef des députés issus du parti majoritaire de la chambre - actuellement, les Républicains).
Il est également le troisième personnage dans la ligne de succession du gouvernement américain (si le président venait à se retirer et que le vice-président ne pouvait le remplacer, la présidence incomberait au Speaker).
Elu par les députés, il est tout d'abord sélectionné au sein de son propre parti.
2Pourquoi John Boehner a-t-il démissionné ?
Le républicain John Boehner, député de l'Ohio, occupe le poste de Speaker depuis 2011 (il est notamment connu pour ses tendances à pleurer sur scène, y compris pendant la visite du pape aux Etats-Unis).
Boehner a annoncé sa démission fin septembre. En cause : son opposition au Freedom Caucus, un groupe républicain conservateur. Les élus de ce mouvement lui reprochent d'exercer un contrôle trop fort sur le vote républicain. Boehner est également sous le feu des critiques des ultra-conservateurs pour ses réticences à bloquer le budget fédéral. La droite de la droite a en effet menacé de provoquer un nouveau "shutdown" afin de mettre fin au financement public du Planning familial, une association qui permet notamment aux femmes d'avorter. Le Speaker ne soutenait pas cette initiative.
L'un des représentants du mouvement conservateur Tea Party et également du Freedom Caucus, Mark Meadows, a même tenté de renverser Boehner par un vote de défiance.
Malgré sa démission, John Boehner restera à son poste jusqu'au 29 octobre, date de l'élection du nouveau Speaker.
3Quel est le problème ?
Le successeur "naturel" de John Boehner aurait dû être le chef de la majorité républicaine à la chambre, Kevin McCarthy. Pourtant, quelques jours après l'annonce de la démission du Speaker, McCarthy s'est retiré de la course. "Nous avons besoin d'un nouveau visage [pour unir les Républicains]", a-t-il déclaré.
Ce retrait a lancé des tractations au sein du parti républicain pour trouver ce nouveau visage rassembleur. Les Républicains en ont bien besoin : ni Boehner ni McCarthy n'ont réussi à conquérir le soutien du Freedom Caucus.
Or, pour s'assurer qu'il remportera l'élection au poste de Speaker, le candidat à la succession de John Boehner doit remporter les suffrages du Caucus. En effet, tous les députés de la Chambre participeront au choix du Speaker - y compris les Démocrates, qui voteront pour leur propre candidat.
Le candidat devra donc remporter une majorité à la Chambre. Difficile, sans le soutien du Freedom Caucus, qui réunit une quarantaine de membres et représente 1/6 des députés républicains.
Dans certains cas (si les démocrates votent différemment), ces derniers peuvent même empêcher une loi d'être votée, comme l'explique le Wall Street Journal. Il est donc indispensable de récolter leurs suffrages.
4Qui est Paul Ryan et que veut-il ?
Peu après que McCarthy ait jeté l'éponge, le nom de ce député du Wisconsin a émergé dans les débats républicains. Paul Ryan est le chef d'un comité puissant au sein de la chambre, le House Ways and Means Committee, qui traite notamment des impôts et des prestations sociales. Parmi ses soutiens, il compte des Républicains modérés, mais aussi des conservateurs.
Après la décision de McCarthy, Paul Ryan avait fait savoir qu'il n'était pas intéressé par le job. Sa décision de se présenter cette semaine est donc un revirement. Pour autant, Ryan a posé ses conditions : il ne se présentera que s'il obtient le soutien de tout le parti, y compris le Freedom Caucus, rapporte le New York Times.
Il exige également que soit limitée la possibilité pour les élus de renverser le Speaker.
5Qui sera l'élu ?
On ne sait pas. Pour Paul Ryan, le défi est désormais de convaincre le Freedom Caucus. Le groupe déjà choisi son représentant. Ryan ne sera élu que si le Caucus change de fusil d'épaule et lui apporte son soutien (en tout cas, celui de 80% de ses membres). Dans le cas contraire, il faudra trouver un autre candidat.
MISE A JOUR 22 octobre 2015, 16h50 (heure française) :
Le Freedom Caucus a approuvé la candidature de Paul Ryan à une majorité de... 70%. Cependant, les statuts internes du groupes exigent un vote de 80% des membres pour un accord officiel. Il appartient donc à Paul Ryan de décider si ces 70% sont suffisants.