Poison ou délice ? Le Kava, "nouvel alcool" à la mode à New York

Le Kavasutra, un bar qui a récemment ouvert à New York, ne sert pas d'alcool

A New York, pour être cool, il faut avoir testé le Kava, une boisson faite à base de plantes aux propriétés sédatives. Parce que l'alcool, c'est "so 2014". En tout cas, c'est ce qu'affirme la devanture de Kavasutra, premier bar à servir du Kava à New York. Malgré des controverses quant à son éventuelle toxicité, la boisson est autorisée à la vente dans les rues de l'East Village jalonnées de boutiques hipster. Nous l'avons testée pour vous.

kava so 2014

Le bar est minuscule et sombre - et presque vide en ce lundi après-midi. Mais pendant le week-end et tous les mardis, c'est l'affluence, selon Christopher Ludwig - alias Chopper - le gérant de Kavasutra. 200 personnes par jour viennent alors se délecter du breuvage extrait de racines de Kava, originaires de l'archipel de Vanuatu et des îles Salomon, dans l'océan Pacifique.

Selon le scientifique Vincent Lebot, basé au Vanuatu et spécialiste des cultures tropicales, "le Kava consommé dans sa version traditionnelle avec de l'eau fait partie intégrale de la vie religieuse, politique, sociale, économique et politique dans la région sud-pacifique, depuis des siècles. Il est généralement bien toléré - sauf dans les cas de surdosage sur une longue période".

"On en boit tous les jours, après le travail, et la boisson est de plus en plus populaire, car elle est perçue comme une alternative à l'alcool, qui est un problème de santé publique majeur dans le Pacifique."

Dans l'émission The Wonder List pour CNN, Bill Weir goûte le Kava sur l'île de Tana au Vanuatu

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La plupart des clients de Kavasutra nous expliquent qu'ils cherchent un substitut à l'alcool, qui n'affectera pas leur cerveau. "C'est mieux que l'alcool parce que ça n'affecte pas votre jugement : vous n'allez pas passer un coup de fil à votre ex copine pour lui dire des choses stupides", ajoute Chopper.

La racine originaire des îles Pacifiques a certes des points communs avec l'alcool : "environ 1% des clients finit malade" après en avoir bu, selon Chopper. En 2002, l'agence française de sécurité des médicaments a retiré de la vente les médicaments à base de Kava après avoir été informée d'effets indésirables sur une trentaine de consommateurs qui ont développé des maladies du foie.

La consommation de Kava est autorisée aux Etats-Unis, où il existe même des compléments alimentaires contre l'anxiété à base de Kava (à très faible dose). Mais la Food and Drug Administration a tenu à prévenir les professionnels de santé que la consommation de Kava était associée à un risque d'empoisonnement du foie.

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Ce sont les racines, et non les feuilles du Piper methysticum qui sont utilisées dans la boisson

Vincent Lebot estime au contraire que la boisson n'est pas dangereuse, à condition d'utiliser des variétés nobles, de peler la plante, de ne pas en abuser et de ne pas le mélanger à d'autres drogues ou à de l'alcool. "Le problème n'est pas le Kava, mais ce que les gens en font : profiter d'un moment entre amis, ou rechercher l'intoxication ? Ici dans le Pacifique, le Kava permet de lubrifier les relations sociales", estime-t-il. Contrairement à l'alcool ou la cigarette, le Kava ne provoque pas de dépendance, selon le scientifique, qui travaille pour le CIRAD, un organisme de recherche français.

Aux Etats-Unis, on peut acheter des compléments alimentaires à base de Kava, sensés avoir des propriétés relaxantes

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Chopper ne le contredira pas : il boit un verre de Kava tous les jours, pour s'endormir, depuis deux ans. Connu pour les propriétés relaxantes de son principe actif, les kavalactones, le Kava est "plutôt une boisson du soir", explique-t-il. Pas question d'en boire avant d'aller à la salle de sport, car il détend les muscles. 

Le Kava - de son nom scientifique Piper methysticum - a des propriétés thérapeutiques. "La boisson est traditionnellement utilisée pour se soulager du stress à la fin de la journée", explique Vincent Lebot. "Elle est également utilisée comme un antiseptique sur les organes génito-urinaires, et comme diurétique".

Le menu de Kavasutra

Le menu de Kavasutra

Tous les matins, le barman prépare l'étrange mixture "traditionnelle" : de la poudre de Kava et de l'eau. Il laisse les racines mariner pendant 30 minutes avant de mélanger le tout. Comptez $8 (7€) pour un bol traditionnel.

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Kavasutra propose également des shots de Kava. Pour $6 (5,2€), les arômes sont au choix : café, sirop d'érable et cannelle, banane et noix de coco ou ananas et fruits exotiques.

Le bar offre aussi des cocktails. Pour notre part, nous avons testé une liqueur aromatisée à l'orange.

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Chopper, le gérant du bar

Dans les îles Pacifiques, le breuvage est associé à tout un cérémonial. "Au Vanuatu, lorsqu'un dignitaire étranger est en visite officielle, il doit boire du Kava", raconte Vincent Lebot.

Chopper nous explique donc que pour respecter ce cérémonial, nous devons trinquer en nous exclamant "Boulah !", qui signifie "à la vie", avant d'avaler le bol de liquide terreux, cul-sec. On croque ensuite dans un bout d'ananas, pour ses propriétés digestives. Enfin, on engloutit un shot de Kava à la crème d'orange.

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Boulah !

Le goût :

Pas dégoûtant, mais pas très agréable non plus. On a l'impression de boire de la terre liquide, avec quelques particules en suspension.

Le shot à l'orange en revanche est très sucré, avec un vague goût d'orange et une texture crémeuse. Son arrière-goût amer, pas déplaisant, n'est pas sans rappeler le dentifrice.

L'aspect :

Le contenu du bol "traditionnel" ressemble à de l'eau sale.

Le shot, de couleur orange pâle, est plus appétissant.

Les sensations :

Presqu'immédiatement après avoir englouti un bol et un shot, on perd toute sensation dans notre bouche pendant 2 ou 3 minutes. Les effets sont très différents de ceux de l'alcool : pas de sensation de trouble ou de perte de contrôle.

Après dix minutes, des chatouilles dans les mains. Pas désagréables, mais pas agréables non plus.

Une heure plus tard, viennent les crampes d'estomac. Elles durent quelques minutes. C'est un phénomène courant lorsqu'on ne mange pas suffisamment avant de consommer du Kava, nous a prévenu Chopper.

En revanche, nous n'avons pas ressenti les effets relaxants de la boisson. Pour ressentir les effets du Kava, "tout est une question de dosage", selon Vincent Lebot. "S'il est très dilué, c'est comme un thé, et il est difficile de ressentir quoi que ce soit après quelques verres. En même temps, sa la boisson est trop concentrée, quelques verres vous endormiront rapidement." La prochaine fois, on augmentera la dose.

Bilan :

Pas très bon, pas très efficace sur nous cette fois-ci, le Kava ne nous a pas convaincus. On reviendra pour tenter des doses plus fortes - et pour la sympathie du barman et du gérant de Kavasutra.

A.N.

 

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé