Pas de musulman à la Maison blanche : pourquoi les déclarations choc de Ben Carson ne sont pas surprenantes

Crédit : Gage Skidmore

L'Amérique ne devrait pas élire un président musulman. C'est, en substance, ce qu'a déclaré le républicain Ben Carson, chrétien, candidat à l'élection présidentielle 2016, à NBC. Les déclarations de cet ancien neuro-chirurgien ont d'autant plus de poids qu'il est classé troisième dans un récent sondage sur l'investiture du parti républicain, après Donald Trump et Carly Fiorina.

"Je ne plaiderais pas pour mettre un musulman à la tête de cette nation. Je ne serais absolument pas d'accord", a-t-il déclaré, alors qu'on lui demandait si la religion du président avait une importance.

"Tout dépend de quelle religion on parle" a-t-il répondu. "Si elle n'est pas compatible avec les valeurs et les principes de l'Amérique, alors bien sûr que cela doit avoir de l'importance".

Il a ajouté que l'Islam était incompatible avec la constitution. En revanche, pas de problème pour élire un musulman au parlement, selon lui.

Indignation générale

Les déclarations choc n'ont pas manqué de provoquer l'indignation, y compris côté républicain. Selon le sénateur Ted Cruz, concurrent de Ben Carson pour représenter le parti lors de l'élection présidentielle de 2016, la constitution n'a pas son mot à dire sur la religion des élus. "Je pense que le Dr Carson doit s'excuser", a quant à lui affirmé le sénateur Lindsey Graham, également dans la course à l'investiture du Grand Old Party.

Le Conseil des relations Américano-islamiques, une organisation non gouvernementale qui entend représenter la voix des 1% de musulmans aux Etats-Unis, s'est élevé contre les déclarations de l'ancien chirurgien. "Il n'est pas qualifié pour être président", a déclaré le porte-parole du groupe. "Vous ne pouvez pas avoir ce genre d'opinions et, en même temps, affirmer que vous représentez tous les Américains, qui sont issus de milieux différents et croient en différentes religions".

Carson persiste et signe

Malgré l'indignation sur les réseaux sociaux, Ben Carson a réitéré ses propos dans une interview avec The Hill : "Les Musulmans ont le sentiment que leur religion doit faire partie de leur vie publique et de leurs actions en tant qu'élus, et cela n'est pas compatible avec [les] principes [de l'Amérique] et notre constitution" a-t-il déclaré. Carson s'est dit prêt à faire une exception pour les candidats musulmans qui s'engageraient "publiquement à renier la totalité de la Sharia" - avant de suggérer que ces derniers pourraient tout aussi bien mentir pour atteindre leur but en vertu de la "Taquiyya". "La Taqiyya est une composante du chiisme qui autorise et encourage le mensonge pour arriver à vos buts", a-t-il affirmé.

Les déclarations de Ben Carson ont beau être choquantes, elles ne sont pas vraiment une surprise :

Ce dimanche, Trump a tenté d'apaiser les tensions en établissant une distinction entre musulmans et extrémistes musulmans. "J'ai des amis qui sont musulmans et ce sont des personnes exceptionnelles", a-t-il déclaré sur CNN. "[Les extrémistes musulmans sont] un problème dans ce pays, c'est un problème dans le monde entier... Il y a effectivement un problème avec les musulmans radicaux", a-t-il ajouté.

L'islamophobie progresse aux Etats-Unis.

Selon certains, Ahmed Mohamed, 14 ans, musulman, fils d'immigrés originaires du Soudan, est le symbole de l'islamophobie de l'Amérique.

La semaine dernière, ce petit génie a été arrêté et exclu de son collège. Son crime ? Avoir fabriqué une horloge artisanale, que l'un de ses professeurs a pris pour une bombe. Son histoire montre la paranoïa qui agite l'Amérique depuis les attaques terroristes du 11 septembre. De nombreux Américains ont manifesté leur indignation et leur soutien à Ahmed, y compris le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg et Barack Obama, qui a invité l'adolescent à la Maison blanche.

Une étude réalisée par le Pew Research Center l'année dernière montrait que l'Islam était la confession la plus mal perçue des Américains - à peu près au même niveau que l'athéisme. Les juifs et les chrétiens catholiques et évangéliques avaient récolté le plus d'opinions positives.

Pour Vox, l'islamophobie n'est pas nouvelle aux Etats-Unis. Mais elle gagne du terrain depuis la création de l'Etat Islamique. Pour preuve, le site d'information évoque notamment les nombreuses sorties de la chaîne conservatrice Fox News. Au début de l'année, son chroniqueur Bill O'Reilly déclarait à l'antenne que l' "Islam était une force destructive".

Pour autant, selon un sondage Gallup publié en juin, 60% des Américains sont prêts à élire un président musulman à la Maison blanche - contre 58% pour un président athée et 73% pour un chrétien évangélique.

Retrouvez notre portrait "Ben Carson, le docteur de l'Amérique ?"

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Publié par France 2 Washington / Catégories : Politique