Une vidéo intitulée "Chers gros" fait le buzz aux Etats-Unis depuis le début du mois, avec près de 3,5 millions de vues à ce jour. Mais elle a également déclenché une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux. En cause : le "fat shaming". Trois questions pour mieux comprendre la polémique :
Qu'est-ce que le "fat shaming" ?
"Fat shaming" signifie littéralement "humilier la graisse".
Parmi le tiers des Américains qui sont obèses, certains se disent victimes de discriminations et de moqueries du fait de leur surpoids - par exemple, lorsqu'elles sont la cible de remarques désobligeantes les exhortant à cesser de manger lors d'un repas en public.
Pourquoi on en parle
"Chers gros" est l'oeuvre de Nicole Arbour, une comédienne canadienne qui publie ses vidéos sur les réseaux sociaux. Elle y affirme notamment que la majorité des obèses sont les seuls responsables de leur surpoids et les enjoint à adopter un mode de vie plus sain.
Quelques citations :
- Le fatshaming, c'est humilier les gens qui ont des mauvaises habitudes [alimentaires] jusqu'à ce qu'ils arrêtent. Si vous vous sentez tellement offensé que vous perdez du poids, moi, ça me va.
- Le fatshaming n'existe pas, ce sont les gros qui l'ont inventé. C'est comme invoquer la discrimination raciale, mais sans la race.
- "Oh, je ne rentre pas dans le magasin, c'est de la discrimination." Non, ça veut dire que tu es gros et que tu devrais arrêter de manger.
- Lorsque votre médecin vous annoncera que vous avez une maladie du coeur, lui rétorquerez-vous qu'il est méchant et qu'il vous humilie ?
- L'obésité est une maladie... au même titre qu'être accro au shopping.
- Je ne vous dis pas ça parce que je suis une c*nn*sse, je le dis parce que c'est ce que vos amis devraient vous dire !
Depuis la publication de la vidéo, les critiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux.
Qu'a voulu dire la comédienne ?
Sur Twitter, Nicole Arbour invoque l'humour et l'ironie. A la fin de sa vidéo, elle déclare son amour pour les gros, mais ajoute qu'elle "aimerait vraiment" qu'ils perdent du poids, de sorte qu'ils vivent plus longtemps.
En réalité, sa cible sont les nombreuses mesures qui aux Etats-Unis facilitent la vie des obèses. Par exemple, les chariots dans les supermarchés, qui leur évitent de marcher lorsqu'ils font leurs courses. Pratique pour les personnes en surpoids qui ont du mal à se déplacer. Mais ces chariots réduisent également l'activité physique de ces personnes, qui ont besoin de bouger pour brûler des calories.
La comédienne s'oppose également au mouvement qui prône l'acceptation de son corps et qui se manifeste sur les réseaux sociaux par le mot-clef #bodypositive (soyez positif vis-à-vis de votre corps). Selon elle, les obèses ne devraient pas accepter leur corps, mais au contraire tout faire pour le changer.
Le problème ? Nicole Arbour affirme que soit le fat shaming n'existe pas, soit que c'est une bonne chose : humilier les personnes en surpoids les incitera à maigrir. Or cela est faux : parmi la quantité de vidéos publiées sur internet en réponse à "Cher gros", un grand nombre de personnes en surpoids affirment qu'elles souhaitent maigrir, mais n'y parviennent tout simplement pas, avec ou sans humiliation.
Ici, une internaute qui a publié sa propre vidéo sur Youtube en réponse à celle de Nicole Arbour. "J'apprécie la satyre", déclare-t-elle. "Mais ce que je veux que tu comprennes, toi et tous les autres qui [tiennent ce genre de propos], c'est que vous détruisez la vie de nombreuses filles dans le monde entier", ajoute-t-elle avant de raconter son histoire. "Au lycée, je détestais tellement mon corps que je me douchais dans le noir. Je pensais que mes amis me détestaient parce que j'étais grosse".
La chroniqueuse Lindy West, qui a publié une tribune dans The Guardian, juge quant à elle Nicole Arbour "cruelle" lorsqu'elle affirme que les gros sont "paresseux, dégoûtants, insensés et puants".
Quoi qu'il en soit, la comédienne a réussi un beau coup de communication grâce à sa vidéo. Sur son compte Twitter, elle s'est réjouie de la couverture médiatique obtenue et de voir trois de ses vidéos partagées en masse sur les réseaux sociaux.