A New York, une sérieuse expo sur les lolcats

Crédit : Wendy Seltzer

Les photos et vidéos de chats sont partout sur internet. En revanche, il est plus rare de voir des "lolcats" dans un musée. A New York, le MoMI, pour Museum of the Moving Image (musée de l'image animée) explore "Comment les chats ont pris le pouvoir sur internet" dans une exposition qui se tient jusqu'en janvier 2016.

"How Cats Took Over the Internet" aborde des thèmes sérieux comme "l'hypothèse de la biophilie", "le sentier de dépendance" ou "l''esthétique du mignon". L'idée est née dans le cerveau de Jason Eppink, curateur de l'exposition (et allergique aux chats). Interpellé par la popularité de l'animal sur les écrans de ses amis, il a passé cinq mois à analyser des vidéos de chats sur Buzzfeed, Tumblr, Youtube, Reddit et Instagram - "pas pour le plaisir". "J'aime me saisir d'objets qui paraissent frivoles et d'en faire des sujets sérieux", nous a-t-il affirmé.

Jason Eppink

Jason Eppink, curateur de l'exposition, au MoMI

La minutieuse analyse de Jason Eppink montre que que si les chats sont omniprésents sur internet, c'est notamment parce que l'Occident domine le web. Voici quelques unes de ses conclusions :

L'obsession pour les chats est typiquement occidentale

"Tout le monde trouve les chats mignons. C'est dans notre ADN !" s'exclame Hereld, un visiteur de l'exposition. Pas si sûr.

Les hommes ont beau avoir vécu aux côtés des chats depuis 10 000 ans, tous ne trouvent pas les chats mignons. "On se rend compte que, si on inclut le Japon, les chats sont très populaires en Occident. Or l'Occident domine le web"explique Jason Eppink. "Dans certaines cultures africaines par exemple, le chat est tout sauf mignon : il est l'objet de superstitions, c'est un nuisible". Dans certains pays africains, l'animal mignon par excellence est... la chèvre.

Chris, un visiteur du musée, a grandi en Inde. "Nous n'avions pas de chats", raconte-t-il, "nous étions très superstitieux". "Mais aujourd'hui, les chats sont de plus en plus populaire en Inde, parce que le pays suit les tendances de l'Occident".

Pour Matthew, un autre visiteur, poster des vidéos de chats sur internet est même typiquement américain. "C'est quelque chose de très américain que de posséder un chat et de mettre des photos et vidéos de lui sur le web. [L'exposition] est un moyen de montrer le poids de l'influence culturelle occidentale", estime-t-il. Aux Etats-Unis, 30,4% des ménages possèdent au moins un chat (contre 36,5% pour les chiens et 6,5% pour les poissons).

"Les chats ne sont pas mignons par nature", conclut Jason Eppink. "Ils sont situés dans un environnement culturel particulier".

bunnyfood.tumblr.com

Mignon ? Pas pour tout le monde - bunnyfood.tumblr.com

Les lolcats, "héritage du capitalisme"

Jason Eppink cite régulièrement Sianne Ngai, professeur de littérature à la prestigieuse université de Stanford. Dans son ouvrage Our Aesthetic Categories: Zany, Cute, Interesting, celle-ci estime que "nous trouvons que quelque chose est mignon lorsqu'il existe un différentiel de pouvoir". C'est pourquoi nous trouvons les chats "mignons" : "les photos et vidéos de chats capturent des créatures qui sont généralement sauvages dans un moment de vulnérabilité, par exemple lorsqu'elles font preuve d'affection ou lorsqu'elles tombent", explique M. Eppink. "Cette domination nous procure du plaisir".

Au contraire, les chiens sont moins souvent jugés mignons car nous les dominons quasiment en permanence, poursuit-il.

Sianne Ngai "situe cette notion du mignon dans le post-capitalisme", ajoute le curateur de l'exposition, expliquant que la notion de "mignon" telle qu'on la définit aujourd'hui n'existe que depuis une cinquantaine d'années et est liée à la domination d'autrui.

expo a retoucher

How Cats Took Over The Internet se tient jusqu'en janvier 2016

Les chats sur internet sont aussi une marchandise

Au fil des années, la popularité des vidéos et photos de chats sur internet a fait des félins un moyen pour leurs propriétaires de générer des revenus.

"L'économie des chats est devenue un phénomène ces dernières années, car une masse critique d'internautes est aujourd'hui intéressée par les chats", explique Jason Eppink. Il fait référence aux "chats célèbres", tels que Pudge le chat, qui vend des tasses à son effigie sur son site internet, ou Grumpy Cat, de son vrai nom Tardar Sauce, l'une des mascottes de la marque de nourriture pour chats Friskies (notez que même l'expo du MoMi est sponsorisée par la marque).

grumpy cat

Grumpy Cat est sponsorisé par Friskies

Pudge le chat

Pudge le chat

"Au début, tout ça est arrivé par hasard", raconte M. Eppink, "des gens ont publié des photos de leurs chats, elles sont devenues virales et leurs chats sont devenus célèbres. Mais maintenant, une nouvelle génération d'internautes tente, de manière stratégique, de faire de leur chat une marque, une personnalité, par exemple en utilisant Instagram""Il y a même des livres sur 'comment faire de votre chat une célébrité'", ajoute-t-il.

catbook

Un livre intitulé "Comment faire de votre chat une star d'internet"

En effet, les vidéos qui génèrent assez de "vues" sur le site Youtube permettent à leurs auteurs de gagner de l'argent. 

L'avantage des vidéos de chats, c'est qu'elles se passent de mots. Elles peuvent donc être comprises par tout le monde. Partagées dans le monde entier, les vidéos sont ainsi consommées sur un vaste marché, que l'exposition compare au public des vidéos pornographiques, consommées par un large public sans avoir besoin de traduction.

Cela n'est pas vrai pour toutes les vidéos. Le célèbre Henri Le Chat Noir, qui a sa place dans l'exposition, parle français, avec des sous-titres en anglais. Il fait, lui aussi, de la pub pour Friskies.

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé