Pourquoi Taylor Swift est accusée de "colonialisme blanc"

Wildest dreams, le nouveau clip de Taylor Swift

Taylor Swift, la chanteuse de country-pop américaine de 25 ans qui fera son entrée dans le prochain livre des records pour le volume d'albums qu'elle a vendus, est accusée de colonialisme pour son nouveau clip vidéo, Wildest dreams.

La chanson raconte l'histoire de deux amants (blancs) qui tournent un film en Afrique, entourés de paysages magiques et d'animaux sauvages. Problème, pour les deux auteurs qui ont publié une tribune sur le site de la radio nationale américaine NPR et qui ont grandi en Afrique : la vidéo présente une "version glamour du de l'Afrique coloniale fantasmée par les blancs", sans aucun protagoniste de couleur noire.

Quant à la journaliste du Huffington Post, elle note avec ironie : "Swift a opté pour l'option plus osée de simplement représenter l'exploitation politique d'une région et de son peuple. C'est courageux, vraiment. Presque aussi courageux que se mouvoir avec sensualité à côté d'un vrai lion".

Voici ce que reprochent les deux chroniqueur de NPR (qui ne sont pas journalistes) à Taylor Swift :

1La nostalgie des colonies

Le clip représente l'époque coloniale, comme le laissent deviner les vêtements de ses protagonistes, "une époque où les personnes représentées par Swift et ses co-stars ont tué, déshumanisé et traumatisé des millions d'Africains", écrivent les deux auteurs. Le tout dans une ambiance glamour et nostalgique :

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Les chroniqueurs font un parallèle entre le personnage de Taylor Swift dans le clip, et celui qu'incarnait Meryl Streep dans Out of Africa, un film sorti en 1985 dans lequel une aristocrate européenne qui s'installe dans une colonie britannique au Kenya et dirige sa propre ferme. Ils reprennent une critique du film selon laquelle "le personnage [de Meryl Streep] crée une nostalgie pour l'époque où une élégante forte femme blanche pouvait diriger une ferme en Afrique". Cette nostalgie "cache la laideur de cette idée [coloniale] et l'une des vérités centrales de la réalité coloniale : le fait que sa "force", ou ses privilèges, reposent sur l'ordre colonial". 

Comme le personnage d'Out of Africa, Taylor Swift incarne une femme forte qui, à la fin de la vidéo, quittent son amant car il est marié - mais aussi une femme faible, soumise aux charmes de cet homme.

2Une Afrique sans Africains

La scène se déroule en Afrique, mais tous les acteurs sont de couleur blanche. A quelques exceptions près :blancs jpg

 

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3L'Afrique est un continent, pas un pays

Les auteurs citent un essai de l'auteur Kenyan Binyavanga Wainaina. Il y dénonce ceux qui décrivent l'Afrique comme un pays. "L'Afrique est vaste : 54 pays, 900 millions de personnes", écrit-il. "Le continent est plein de déserts, de jungles, de montagnes, de savanes et de pleins d'autres choses, mais cela importe peu à votre lecteur, donc vous en faites des descriptions romantiques et évocatrices et vagues".

Les chroniqueurs ainsi que Taylor Swift recycle les clichés communs sur l'Afrique et les Africains : troupeaux d'animaux sauvages, chaleur et poussière recouvrant des prairies vallonnées.

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4L'ignorance plus que l'intention de nuire

Les deux auteurs laissent entendre que, comme beaucoup d'Américains, Taylor Swift ne connaît pas grand chose à l'Afrique. Dès lors, difficile de lui jeter la pierre. C'est donc à ses producteurs et sa maison de disques qu'ils adressent leurs critiques.

"Le problème le plus important est le fait que de nombreux Américains n'ont jamais suivi de cours d'histoire de l'Afrique", écrivent-ils. "Donc nous ne blâmons pas complètement Taylor Swift, mais les personnes qui ont produit cette vidéo et qui auraient dû faire des recherches plus poussées".

Ils rappellent également que tous les bénéfices réalisés avec cette vidéo iront à une organisation caritative qui protège la faune et la flore africaines.

Sur le blog musical du Guardian, Tshepo Mokoena estime qu'il s'agit d'une maladresse, mais qui ne mérite pas une telle indignation. "Pourquoi devrions-nous attendre de Swift, une femme d'affaires avisée et une marque, qu'elle utilise son clip pour éduquer son large public quant aux dures réalités de la domination coloniale ?", s'interroge-t-elle.

Publié par France 2 Washington / Catégories : Société