Séisme dans la campagne démocrate! Depuis quelques jours, le règne annoncé d'Hillary Clinton se voit remis en question par le candidat le moins plausible qui soit, un ancien hippie, activiste de gauche et sénateur du Vermont depuis des temps immémoriaux: Bernie Sanders.
1Qui est Bernie Sanders?
Bernard « Bernie » Sanders est né en 1941 dans une famille juive de Brooklyn. Depuis ses années étudiantes à l'Université de Brooklyn, puis celle de Chicago, il est impliqué dans le mouvement des droits civiques et entre en politique en 1968, à l'époque des hippies et de la contestation contre la guerre du Vietnam. Politico consacre un long article sur ses jeunes années de hippie, aux sources de ses idées politique aujourd'hui.
Il entre en politique en 1971, au sein du Liberty Union Party, un parti socialiste et pacifiste. Après plusieurs candidatures malheureuses au poste de sénateur et de gouverneur du Vermont, il quitte le parti. En 1981, il entre en indépendant dans la course à la mairie de Burlington, la plus grande ville de l'état. Il restera maire jusqu'en 1989, fidèle à un programme de travaux publics et refusant de larges privatisations. Lors d'une course pour la réélection, Sanders parvient même à battre un candidat soutenu à la fois par les démocrates et les républicains.
En 1991, Sanders est élu à la chambre des représentants.C'est l'indépendant à avoir siégé le plus longtemps au Congrès américain, conservant sa ligne socialiste en faveur des dépenses publiques et des programmes d'aide sociale.
Il a annoncé sa candidature à la primaire démocrate dans un parc de Burlington qu'il avait protégé des plans d'un promoteur lorsqu'il était maire, renforçant encore son statut de candidat « du peuple » de l'élection américaine.
2Quel est son programme?
Sanders n'est pas techniquement démocrate, il se présente à la nomination démocrate en tant qu'indépendant. Pire encore, c'est un socialiste affirmé - le mot « socialiste » est toujours une insulte pour une bonne partie des américains. Sanders est un peu au parti démocrate ce que le Tea Party est aux républicains. Sincère, mais extrême.
Economie: Là ou la plupart des candidats, même du côté démocrate, promettent une certaine prudence budgétaire et un contrôle de la dette, Bernie Sanders voudrait profiter des faibles taux d'intérêt pour emprunter plus et mener des programmes de financement public massifs. Construction d'infrastructures, dépenses publiques accrues pour générer de l'emploi, toute la gamme socialiste y passe.
Du côté du secteur privé, Sanders veut augmenter le salaire minimum au niveau fédéral de 7,25$ à 10,10$ de l'heure. Plus polémique encore, il veut diviser les 6 plus grandes banques du pays pour limiter leur influence sur l'économie américaine. Même aux standards européens, ceci est bien un programme de gauche radicale.
Social: Obamacare c'est bien, mais ce n'est pas assez. Bernie Sanders veut créer aux Etats-Unis un programme de couverture universelle à l'européenne. Grand admirateur du socialisme scandinave, Sanders préfère un système qui permet aux assurés de souscrire facilement une assurance privée plutôt à la Sécurité Sociale universelle à la française.
Du côté des droits civiques, Sanders est un défenseur ardent du mariage gay, du droit à l'avortement, il est anti-peine de mort...etc...
Immigration: Sanders est plutôt discret sur ce sujet, se contentant de soutenir l'ordre exécutif de Barack Obama empêchant l'expulsions de millions d'illégaux sur le territoire américains. Il est en faveur d'un chemin vers la citoyenneté américaine pour les illégaux présents dans le pays.
En revanche, il s'est prononcé pour le démantèlement des programmes d'immigration « contrôlée » qui fournissent une main d'oeuvre à très bas coût aux entreprises du sud du pays.
International: Sanders n'est pas un expert des questions internationales, mais face à Hillary Clinton, il a pour lui la constance.
Il s'est toujours opposé aux guerres en Irak et en Afghanistan - Clinton s'était elle prononcée en faveur des deux avant de faire volte-face. Il est favorable à un effort diplomatique renforcé plutôt qu'aux opérations militaires. Il soutient notamment le programme de sanctions économiques contre la Russie et les négociations sur le nucléaire iranien.
En revanche, c'est un opposant farouche au traité Trans-Pacifique négocié par l'administration Obama.
Environnement: Environnementaliste de la première heure, Sanders soutient tout un ensemble de mesures de réduction des gaz à effet de serre, notamment des limites d'émissions imposées à la fois sur les véhicules et l'industrie.
Il est en faveur de financements publics des énergies renouvelables, mais aussi de pistes plus excentriques, comme l'exploration des techniques de piégeage du CO2 pour limiter et retarder les effets du réchauffement climatique.
3Quelles sont ses chances?
En à peine un mois, l'avance d'Hillary Clinton dans les sondages est passée de 30 points à seulement 10. Enc conséquence, le sentiment chez les électeurs démocrates envers Sanders est passé d'un timide « je l'aime bien, mais il ne peut pas gagner » à un incrédule « et si il pouvait vraiment gagner? »
Avec sa sincérité désarmante et ses prises de position intransigeantes, Sanders est diamétralement opposé à Hillary Clinton, que les américains perçoivent comme compétente mais manipulatrice et peu fiable.
Un discours féroce de Sanders au Congrès, en 2012. « Il y a une guerre dans notre pays entre les plus riches et ceux qui travaillent. [...] 1% des américains possèdent 23% de la richesse du pays, plus que les 50% les plus pauvres. Et apparemment, ce n'est pas assez pour eux! »
Lors d'un discours dans le Wisconsin, Sanders a attiré près de 10 000 spectateurs, plus que n'importe quel autre candidat à ce stade. Chez les démocrates, il bénéficie d'un soutien croissant chez les militants les plus engagés. Face à la machine financière et le contrôle de l'establishment d'Hillary Clinton, Sanders joue sur une campagne proche des militants. De quoi en faire un candidat solide dans les états très engagés comme le New Hampshire ou l'Iowa, les premiers à voter pendant les primaires.
Si Sanders parvient à renverser, ou même seulement à faire trembler Clinton au début de la campagne, c'est toute la physionomie de l'élection qui pourrait changer. A minima, il devrait forcer Hillary à s'engager plus tôt qu'elle ne le souhaite et à prendre des positions fermes sur des questions de gauche.
« Arrêtez de me parler de lui, c'est un conte de fée! » s'énervait Bill Clinton en 2008 à propos de...Barack Obama. Hillary pourrait-elle perdre deux fois contre des outsiders improbables?
Une chose est sûre, on entendra parler de « Bernie ».
CHANCES DE DEVENIR PRESIDENT DES ETATS-UNIS: Il faudra passer sur le corps d'Hillary, puis convaincre les américains qu'un « socialiste » n'est pas une abomination. Difficile, et pourtant...