Mais que se passe-t-il à la Cour Suprême?

L'équilibre politique de la Cour Suprême est précaire, avec 4 démocrates convaincus face à 5 républicains divisés.

Cela n'aura échappé à personne, ces derniers jours, les juges de la Cour Suprême américaines publient des décisions historiques à la vitesse d'une mitraillette. Jeudi dernier, les 9 « justices » se sont échauffés en ruinant les espoirs des républicains de voir la loi Obamacare vidée de sa substance. Le lendemain, ils écrivaient l'Histoire en rendant le mariage gay légal dans l'ensemble des Etats-Unis.

Mais le vent de réformisme qui soufflait sur la Cour Suprême s'est vite renversé aujourd'hui. En deux décisions, moins médiatisées, les justices sont revenus à leur inclinaison conservatrice (5 d'entre eux ont été nommés par des présidents républicains, 4 par des démocrates).

Peine de mort: Par 5 voies contre 4, les juges ont décidé de ne pas interdire l'utilisation de midazolam dans les exécutions par injection létale. Cette décision fait suite à la plainte de 8 prisonniers du couloir de la mort de l'Oklahoma, après l'exécution ratée de Clayton Lockett le 29 avril 2014. L'injection d'un nouveau cocktail létal à base de midazolam - rendue nécessaire par un embargo européen sur l'export de penthotal de sodium, la drogue la plus utilisée par les prisons américaines - avait entraîné des complications graves. Lockett, 38 ans, avait souffert pendant 43 minutes avant de succomber d'une crise cardiaque.

Pourtant, les justices ont considéré que rien ne prouvant que le midazolam était responsable des souffrances de Lockett, attribuant l'échec de l'exécution à un défaut d'anesthésie. Par conséquent, l'utilisation de ce produit ne relève pas selon eux d'une procédure « cruelle ou inhabituelle » interdite par la Constitution.

Cette décision est une défaite sévère pour les anti-peine de mort aux Etats-Unis. Face au refus répété de la cour de considérer la peine de mort comme inconstitutionnelle par elle-même, ces derniers s'attaquent depuis plusieurs années aux moyens employés pour la pratiquer. Ce sont eux qui avaient obtenu des compagnies pharmaceutiques qu'elles ne fournissent plus de produits.

L'injection létale, méthode préférée des prisons américaines, a un taux d'échec très élevé (7,1%), par rapport aux chambres à gaz (5,4%), la pendaison (3,1%), la chaise électrique (1,9%) et le peloton d'exécution (aucun échec enregistré.)

Un espoir toutefois, dans les opinions de la minorité, deux juges - Ruth Ginsburg et Stephen Breyer - ont officiellement rmeis en question la légalité de la peine de mort. C'est la première fois que des juges de la Cour Suprême le font avant d'être retraités.

Environnement: Dans un cas plus technique, mais symbolique, la Cour Suprême a annulé des régulations mises en place par l'agence de protection de l'environnement américaine dans les émissions de mercure par les centrales à charbon toujours utilisées aux Etats-Unis.

La Cour explique que l'agence avait sous-estimé le coût de ces restrictions pour les industriels. On retrouve donc un bon exemple de la logique « économie avant environnement », cheval de bataille annoncé des républicains durant la campagne.

Alors, pourquoi la Cour Suprême change-t-elle aussi vite d'orientation? L'organe judiciaire suprême américain est souvent regardé comme une cour assez partisane. L'interprétation à la réinterprétation de la (vague) Constitution américaine, avec ses centaines de pages de jurisprudence contradictoire donne en effet la possibilité d'adopter toutes sortes de position à partir des même questions. Toutes les décisions de la Cour sont d'ailleurs accompagnées de textes d'opposition de la part des justices qui ont voté contre la majorité.

Mais malgré la majorité de juges républicains à la Cour, certains d'entre eux (nommés à vie il faut le rappeler) ont vu leurs positions s'atténuer au cours du temps. C'est notamment le cas du « chief justice » John Roberts et de Anthony Kennedy (aucun lien). Tout deux ont voté en faveur de la légalisation nationale du mariage gay, une véritable « trahison » selon les républicains.

La Cour Suprême est donc composée d'un bloc démocrate soudé face à un groupe républicain majoritaire, mais divisé. Il suffit du basculement d'un seul juge pour renverser un vote. De nombreuses autres surprises et revirement sont donc à attendre lors de la prochaine session, ou la peine de mort et le droit à l'avortement pourraient revenir au programme.

T.L

 

 

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé