Humeur #5: Keystone XL, le pipeline de la discorde

« Le projet Keystone XL a mérité mon veto ». La petite phrase de Barack Obama est le dernier acte en date du plus gros feuilleton politique de ces derniers mois aux Etats-Unis. Le Congrès avait voté l'autorisation de construire pour ce pipeline de 1800 kilomètres entre Hardisty au Canada et Steele City dans le Nebraska.

Ce veto annonce une nouvelle phase dans l'opposition entre la Maison Blanche et le Congrès républicain, mais surtout témoigne de l'importance politique prise par le dossier. La bataille fait rage au Congrès, les manifs se multiplient, les petites phrases assassines volent de part et d'autre. A en juger par l'intensité des débats, Keystone XL est le projet qui détermine du futur énergétique de l'Amérique.

Mais ce débat politique est-il disproportionné par rapport à la réalité du terrain? Valérie Astruc nous livre l'humeur de la semaine.

Keystone XL dans les chiffres

42 000 emplois, 7 milliards de dollars d'investissements, une capacité de 700 000 barils de pétrole brut par jour. En absolu, les chiffres du projet Keystone XL donnent le vertige. C'est sur eux que s'appuient le clan « productiviste » pour faire du pipeline un projet indispensable.
Toutefois, il faut apporter quelques nuances à ce projet idylliques. Pour commencer, il existe déjà un pipeline Keystone qui relie Hardisty au Canada et Port Arthur dans le golfe du Mexique. Keystone XL est en fait un projet de « raccourci » (en vert sur la carte ci-dessous) qui rejoint le pipeline existant dans le Nebraska.

Il faut aussi nuancer l'impact économique du pipeline. Certes, 30 000 emplois pérennes, c'est bien. Mais l'économie américaine est en pleine récupération. En 2014, elle à créé plus de 2,6 millions d'emplois et la tendance se confirme pour l'année 2015.
De la même manière, Keystone XL n'est pas un projet vital pour l'industrie pétrolière. Le Canada exporte déjà 1,6 millions de barils de brut chaque jour, un chiffre que ne devrait pas évoluer outre mesure après la mise en service de Keystone XL. Il ne s'agit même pas le plus gros projet de la compagnie TransCanada, qui envisage la création d'un pipeline entre l'Alberta et la côté Atlantique canadienne, d'une longueur de 4000 kilomètres avec une capacité de 1,1 millions de barils par jours.

Avec une capacité de transit de 700 000 barils par jours, Keystone XL ne gérerais qu'une goutte des 13 millions de barils extraits chaque jour entre le Canada et les Etats-Unis. Rien en tout cas qui puisse « assurer l'indépendance énergétique américaine » comme le clament les élus républicains au Congrès.

Mais il faut être juste. Leurs adversaires écologistes ne sont pas non plus exempts d'exagérations. Selon eux, le passage du pipeline dans la région de l'aquifère d'Ogalla dans le Nebraska conduira forcément à une catastrophe écologique. Ils agitent l'épouvantail d'une fuite, pourtant extrêmement rare dans les pipelines modernes.
Les études environnementales menées ont déjà retardé le projet de plusieurs années en modifiant son parcours, et les derniers experts indépendants nommés ont constaté que le projet était suffisamment sûr. On attend encore le rapport du State Department sur le sujet, c'est d'ailleurs la raison sur laquelle s'est basé Barack Obama pour appliquer son veto.

L'ampleur du débat politique n'a plus rien à voir avec celle du projet industriel. Keystone XL est avant tout un symbole pour deux camps aux logiques diamétralement opposées. Une chose est sûre, Si l'un ou l'autre l'emporte, Keystone XL aura marqué l'Histoire bien plus que sa (relative) petite taille ne le laissait espérer.

T.L

Publié par France 2 Washington / Catégories : Non classé