Mardi soir, peu après 5 heures à Chapel Hill (Caroline du Nord), Craig Hicks a abattu trois étudiants musulmans, Deah Shaddy Barakat, sa femme Yusor Abu-Salha et sa soeur Razan Abu-Salha. Dans un premier temps, la police de Caroline du Nord a parlé d'une dispute entre voisins, mais de plus en plus de faits sont venus étayer la thèse d'un crime à caractère racial.
Les réseaux sociaux ont réagi de façon globale en se rassemblant derrière le hashtag #MuslimLivesMatter (les vies musulmanes comptent), une reprise du hashtag #BlackLivesMatter utilisé après la mort d'un adolescent noir tué par un policier à Ferguson.
Au delà de la tristesse, les tweets envoyés avec ce hashtag traduisent de l'incompréhension, voire de la colère. Avec une demande en particulier: Pourquoi les médias nationaux américains ne couvrent-ils pas l'événement comme un acte terroriste? Pourquoi ont-ils attendus mercredi pour s'y intéresser?
We shouldn't speculate on the motive behind the #ChapelHillShootings. But what is the motive behind the lack of national media coverage?
— Khaled Bey (@KhaledBeydoun) 11 Février 2015
« On ne devrait pas spéculer sur le motif des meurtres. Mais quel est le motif pour l'absence de couverture médiatique? »
Sur Twitter, une explication domine: Le racisme. Pour les journalistes des « mainstream medias » américains, la mort de musulmans serait moins importante que la mise à pied du présentateur de télévision Brian Williams.
WE CAN DRAW CARTOONS TOO #MuslimLivesMatter #ChapelHillShooting pic.twitter.com/gPQ9u99cVG— McBaŋɠ (@TheMcBang) February 11, 2015
« On peut dessiner aussi! » [Sur le dessin. Journaliste: « Trois jeunes musulmans tués? Il n'y a pas d'actu ici... »]
Pourtant, c'est exactement l'inverse qui s'est produit. Les médias américains n'ont commencé à s'intéresser aux meurtres que lorsqu'il a été question de crime à caractère racial. Tant qu'il n'est pas été prouvé que Craig Hicks a assassiné ces étudiants en raison de leur religion, médias et politiques restent très prudents.
Quant à leur temps de réaction, il n'est pas dû à l'origine des victimes mais à une terrifiante banalité du fait. Un triple meurtre n'est pas assez rare aux Etats-Unis pour attirer de suite l'attention. Malgré la baisse du nombre global de meurtres, le nombre d'homicides multiples et d'homicides de masse n'a lui cessé d'augmenter.
Un rapport de Scripps News basé sur les données du Bureau of Justice Statistics explique qu'en 2009, 1428 homicides impliquaient plus d'une victime, en hausse de 5% par rapport à 2008. C'est environ 4 incidents par jour.
La plupart de ces meurtres restent cantonnés aux télévisions câblées locales comme en témoigne une courte recherche sur Google.
• Sur Click2Houston: « Un pasteur, sa femme et son fils retrouvés morts »
• Sur Myfox Tampa Bay: Un triple meurtre à Bradenton
• Sur le San Antonio Current: Trois américains tués au Mexique
• Sur Syracuse.com: Triple meurtre à Utica
Le point commun de ces affaires? Trois morts, peu ou pas de couverture nationale de l’événement. Aux Etats-Unis, il faut plus qu'un simple meurtre multiple pour se retrouver sur CNN...
T.L