En Italie, le recours à la pilule abortive, l'alternative à la chirurgie pour interrompre la grossesse, reste marginal en comparaison à ses voisins européens. Les causes selon les associations : une réglementation "absurde" et l'hostilité des médecins.
C'est un article de l’Espresso qui pointe la « situation tragique » de l'Italie concernant l'accès aux femmes au mifépristone, aussi connu sous le nom de RU486. Cette pilule qui permet d’avorter par médicament est l'alternative à l'IVG chirurgical par aspiration. Une réalité qui place le pays très loin derrière ses voisins européens. A peine 15% des femmes ont recours à l'IVG pharmaceutique, contre 57% en France – où le médecin de famille est autorisé à administrer la pilule, 65% au Portugal et jusqu’à 98% en Finlande.
En septembre, 40 ans après l’approbation de la loi 194 autorisant l’interruption volontaire de grossesse dans la péninsule, l’association pour la liberté de la recherche scientifique dénonçait une fois de plus « la négligence des médecins et des institutions italiennes concernant les progrès de la médecine sur l’avortement ». Au centre du débat : l’accès à la pilule RU486, un médicament qui, selon la loi, devrait pouvoir être administré par les plannings familiaux ou en hôpital de jour, sans devoir passer par une hospitalisation.
En Italie, l’accès au mifépristone n’a été autorisé qu’en 2009 par l’Agence italienne du médicament, soit 30 ans après la France. Malgré cette autorisation, les associations pour les droits des femmes dénoncent des bâtons dans les roues mis par le ministère de la Santé.
Une série de règles bureaucratiques ont été instaurées pour restreindre son utilisation : l’obligation de prendre la pilule avant 7 semaines de grossesse, et non 9 comme dans la plupart des autres pays, une « pause de réflexion » obligatoire durant jusqu'à une semaine entre la demande de la pilule et sa prise effective, l’obligation d’être hospitalisée jusqu’à 72 heures, soit durant la période allant de la prise du médicament à l’"expulsion effective du produit de la conception". Une recommandation qualifiée d'« injuste » et de paradoxale par les associations pour le droit à l'avortement et à la contraception, l’avortement chirurgical ne nécessitant, lui, qu’une hospitalisation de jour.
7 gynécologues sur 10 objecteurs de conscience
Comment expliquer ce retard ? "Très souvent ce sont les médecins les plus hostiles à la loi", explique à Vanity Fair Mirella Parachinet, la gynécologue et vice présidente de la fédération internationale pour l’avortement et la contraception . Selon une étude publiée l’an dernier par le Ministère de la Santé italien, sept obstétriciens sur dix font aujourd’hui jouer la clause de conscience pour des raisons morales, religieuses voire personnelles. Ce chiffre représente 70% du nombre de gynécologues en exercice dans le service public italien.
Pour l'Espresso, avorter en Italie reste une " question de chance qui dépend de où tu habites, des docteurs que tu rencontres, de la disponibilité du service médical ce jour là", ne laissant parfois aux femmes d'autres choix que celui de recourir à des méthodes non officielles.
La réticence des gynécologues à recourir à l'avortement est moins pour des raisons religieuses que par ignorance, ajoute Marina Toschi, la viceprésidente de l'association des gynécologues territoriaux. " Ils ne sont que 10 à 15% à refuser pour des motifs religieux. C'est plutôt un problème d'ignorance. Quand les médecins commencent leur spécialisation en gynécologie, ils doivent tout de suite déclarer s'ils sont objecteurs de conscience ou pas. Si c'est le cas, ils ne peuvent pas entrer dans la salle où se déroule l'interruption de grossesse. Ils ne savent rien de l'avortement, ni du RU486, qui dans certains hôpitaux n'existe même pas. Et puis les avortements sont ennuyeux. On gagne plus en pratiquant la fécondation in vitro".
Bruxelles a déjà épinglé à deux reprises l'Italie pour violation du droit à l'IVG.