C'est l'information du week-end : les traversées de migrants entre la Libye et l'Italie ont repris. Au cours de ces derniers jours, 1800 naufragés ont été secourus en mer par des navires militaires et marchands ou par des ONG (seules 2 ONG restent actives dans le canal de Sicile). Ils ont débarqué en Italie, surtout en Sicile.
Ce chiffre est comparable à ce qui se passait encore en juin dernier. Or, en juillet et en août, les traversées avaient presque totalement cessé. Le gouvernement italien, par la voix de son ministre de l'intérieur, Marco Minitti, commençait déjà à crier victoire.
Migrants : nouvel afflux mystérieux en Italie
Que se passe-t-il donc sur l'autre rive de la méditerranée ?
L'accord financier conclu cet été par l'Italie (accord qu'elle a toujours démenti) avec des milices libyennes (celles là même qui font "passer" les migrants") a t il déjà fait long feu ? Ont elles jugé plus lucratif de revenir à leur activité antérieure de trafiquants d'êtres humains ? Ou bien, d'autres milices, sans accord avec Rome, ont elles réussi à créer de nouvelles routes et à contourner les ports libyens fermés aux départs ?
La Stampa met en avant une explication. Irritée par l'invitation du Maréchal Haftar à Rome, Sabratha, la "capitale libyenne des passeurs de migrants", a recommencé à faire passer les bateaux de migrants après une baisse considérable des départs cet été.
D'après des sources libyennes, la recrudescence des départs de bateaux serait la réponse "non officielle" de Sabratha en réaction à cette annonce. "Nous dénonçons l'invitation car la Cour pénale internationale a demandé à plusieurs reprise l'arrestation des affiliés (du général) coupables d'avoir commis des crimes", explique dans une note officielle le Conseil militaire de Sabratha.
Si les traversées se poursuivent dans les jours à venir, le gouvernement italien sera dans une position très inconfortable : d'une part parce qu'il sera accusé d'avoir conclu un pacte - couteux et inutile - avec le diable. D'autre part, parce que les actes de rejet, de haine et de racisme vis à vis des migrants se multiplient ces dernières semaines un peu partout dans la péninsule.
L'Italie sous tension face à l'accueil des migrants
A Lampedusa, Totò Martello, le maire de l’île a créé la polémique en demandant la fermeture du centre d’accueil des migrants. L’homme qui se définit de gauche a lancé dimanche un appel désespéré aux pouvoirs publics.
« Menaces, violences, vols. Lampedusa est au bord de l’explosion, les forces de l’ordre sont impuissantes. Dans le centre il y a 180 Tunisiens parmi lesquels beaucoup arrivent à éviter les contrôles. Ils bivouaquent et vivent dans la rue. Je demande que le centre d’identification soit fermé. C’est une structure inutile qui ne sert à rien ».
Propos racistes, intolérance vis-à-vis des migrants,… Face aux accusations, le maire a rappelé qu’il était uniquement question de « respect de l’ordre public et des règles » non seulement de la part des habitants de l’île, mais de toute personne y circulant librement.
Autre signe du contexte migratoire tendu : alors que des élections législatives doivent se tenir début 2018, le projet de loi instaurant le «droit du sol» a été repoussé au Sénat après le dépôt de plus de 40.000 amendements de l'opposition.
Selon l'Institut italien de la statistique (Istat), l'adoption du droit du sol donnerait aujourd'hui la nationalité italienne à quelque 800.000 enfants nés dans la péninsule et à 60.000 jeunes immigrés chaque année.
Des signes de tension qui font les affaires de la Ligue du Nord, ouvertement xénophobe et du parti populiste 5 étoiles, eurosceptique et peu enclin à l’accueil des migrants. En juin, la maire 5 étoiles de Rome Virginia Raggi avait demandé un moratoire sur l’immigration dans la capitale. A quelques mois des élections législatives – entre février et mai, la date n’étant pas encore connue -, le mouvement de Beppe Grillo est dorénavant en tête dans les sondages, juste devant le Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi...