C’est un phénomène invisible et pourtant bien réel : en Italie, les stagiaires de plus de 50 ans sont de plus en plus nombreux. Depuis quatre ans, les stages ne sont plus réservés aux jeunes pendant leur cursus universitaire. Dans la péninsule, ce système de formation est en train de connaître une dérive sans précédent.
À Rome, Milan ou encore Turin, les stagiaires de plus de cinquante ans semblent devenir la règle. Des milliers de "tempes grises" sont employées avec ce type de contrat, aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique. Assistant judiciaire dans les tribunaux, secrétaires médicales, assistants de direction : aucun métier n'est épargné.
L'an dernier, on comptait en Italie 26 000 stagiaires de plus de quarante ans, soit presque un stagiaire sur cinq.
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis 2013, la compétence des stages ne relève plus de l'Etat : elle a été régionalisée. Bien souvent, il n’existe plus d’obligation de convention pour pouvoir effectuer un stage, comme c'est toujours le cas en France.
Aux stagiaires traditionnels (les jeunes) a été ajoutée une nouvelle catégorie : les stagiaires "hors cursus", les stagiaires âgés. Pour eux, pas de limite d'âge donc et une dérégulation presque totale.Seule obligation de l'employeur : verser au minimum 300 euros par mois d'indemnité, et ce, quelle que soit la région d'Italie.
Michel Martone, professeur de droit du travail à l’Université Luiss et ex-secrétaire d'Etat dénonce cette dérive. Pour lui, en raison du fort taux de chômage en Italie (12 %), les entreprises utilisent les stagiaires « pour éviter de payer des cotisations et des salaires, c’est un travail au noir à très bas coût ». Il s'agit donc d'un contrat de travail déguisé.
Plus grave encore : après leur stage, deux seniors sur trois ne trouvent pas de vrai travail. Davide Lomazzi, stagiaire à 59 ans dans un centre d’appel téléphonique, après avoir longtemps été dirigeant de grandes entreprises, estime que « c’est un système absurde, qui n'existe dans aucun autre pays civilisé que l'Italie ».
Ce phénomène des stagiaires âgés est en tout cas le reflet d'un marché du travail sinistré, dans un pays qui ne s’est pas encore remis de la crise.
Et pour les personnes concernées, qui ont souvent souffert de longues années de chômage, ces stages sont pour elles : l'humiliation ultime.