40 000 réfugiés rohingyas bientôt expulsés d’Inde ?

Cette famille de Rohingyas, qui a trouvé refuge au camp de Kalindi Kunj, pourrait être expulsée si la Cour Suprême se range à la décision du gouvernement

La Cour suprême de Delhi doit statuer sur le sort des 40 000 réfugiés rohingyas résidant en Inde, que le gouvernement de Modi veut déporter en Birmanie.

Le bras de fer est engagé entre le gouvernement central indien et les défenseurs des droits des Rohingyas.

Lundi 18 septembre, la Cour Suprême examinait le recours en justice déposé quelques jours plus tôt par deux hommes rohingyas réfugiés en Inde. Ils contestent l’expulsion voulue par le gouvernement indien de dizaines de milliers de réfugiés du pays, contraire selon leurs avocats à la Constitution.

Le gouvernement affirme quant à lui que les Rohingyas représenteraient une menace sécuritaire pour le pays.

Pour les Rohingyas d’Inde, la déportation aurait des conséquences dramatiques.

Ils seraient aujourd’hui près de 40 000 en Inde, dont 16 000 officiellement reconnus comme réfugiés par l’UNHCR, le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU. La plupart sont arrivés il y a cinq ans, par bateau ou par train, fuyant les exactions de l’armée birmane et des milices bouddhistes dont ils étaient déjà victimes dans l’Etat Rakhine en Birmanie, dont ils sont originaires.

Avec la flambée des violences de ces dernières semaines, près de 400 000 Rohingyas ont trouvé refuge au Bangladesh voisin. L'Inde possède quant à elle une frontière avec la Birmanie longue de plus de 600 km. Le gouvernement craint d'être touché par un exode sans précédent.

 

Les familles rohingyas qui fuient aujourd'hui au Bangladesh pourraient ensuite tenter de rejoindre l'Inde

Les familles rohingyas qui fuient aujourd'hui au Bangladesh pourraient aussi tenter de trouver refuge en Inde

Une menace terroriste?

Début septembre, le ministère de l’intérieur indien a déclaré son intention d’identifier et d’expulser tous les immigrés résidant illégalement sur son territoire.

Cette décision vise principalement les réfugiés rohingyas, que les nationalistes hindous au pouvoir décrivent comme une "menace à la sécurité nationale".

Ils accusent notamment cette minorité à forte majorité musulmane d’être en lien avec des groupes terroristes pakistanais et l’État Islamique.

Certains craignent aussi que les Rohingyas ne s'en prennent aux bouddhistes résidant en Inde, en représailles aux violences subies par les leurs en Birmanie.

Des manifestations anti-rohingyas

Le mois dernier, des groupes nationalistes extrémistes soutenus par le Bharatiya Janata Party, le parti du Premier ministre Narendra Modi, ont lancé une campagne demandant l’expulsion des Rohingyas. Ils ont notamment organisé plusieurs manifestations dans l'état de Jammu-et-Cachemire.

Située au nord du pays, près de la frontière pakistanaise, la région est disputée entre l’Inde et le Pakistan depuis 1947. Les autorités craignent de perdre le contrôle sur cette zone si le nombre de musulmans venait à augmenter du fait de l’afflux de réfugiés.

 

Au Jammu-et-Cachemire, les nationalistes ont mené des manifestations demandant l'expulsion des Rohingyas

Au Jammu-et-Cachemire, les nationalistes ont mené des manifestations demandant l'expulsion des Rohingyas

 

Des actions de soutien aux Rohingyas

Des actions de soutien aux Rohingyas ont cependant été organisées à New Delhi. Le 13 septembre dernier, plus de 300 personnes, représentants d’ONG et citoyens, ont manifesté dans la capitale pour protester contre la décision du gouvernement, avec comme slogan « Solidarity with Rohingyas ». Ils mettent en avant la longue tradition de l’Inde d’accueillir les minorités ethniques et religieuses persécutées dans leur pays, dont près de 400 000 personnes, notamment des bouddhistes tibétains, ont pu bénéficier.

 

 

Plus de 300 habitants de New Delhi ont manifesté leur soutien aux Rohingyas en défilant devant l'ambassade du Myanmar

 

Une nouvelle séance sera tenue par la Cour le 3 octobre prochain pour rendre sa décision finale. L’avenir des sans-papiers rohingyas en Inde reste pour l'instant très incertain.

Lauren Ricard (St.)