Lipstick Under my burkha (Du rouge à lèvres sous ma burqa) de la réalisatrice Alankrita Shrivastava ne sera pas diffusé dans les salles de cinéma en Inde. Ce film relate l’histoire de quatre femmes rebelles. C'est une ode à la féminité et à la liberté qui a été jugée trop subversive par le tout puissant "bureau de la censure". Avec 3 milliards de tickets de cinéma vendus par an, l’Inde est la première industrie cinématographique au monde. Pourtant, dans cette société patriarcale et encore très conservatrice, la censure est toujours omniprésente.
Ce n’est pas vraiment une histoire de burqa. Le mot tient plutôt à la métaphore, celle de l’emprisonnement. Lipstick Under my burka, raconte l’histoire de quatre femmes: une collégienne, une jeune esthéticienne, une mère de trois enfants, et une veuve. Quatre Indiennes, entre 18 et 55 ans qui fument, boivent et font l’amour. Toutes, en quête de liberté et d’émancipation, de leur mari dominant, de leur copain autoritaire et de la société indienne encore très conservatrice. Selon le Comité National de Certification des Films, c'est une vision trop provocante susceptible de "heurter la sensibilité d'une partie de la société". Au pays du Kama Sutra, la sexualité est toujours tabou et l'émancipation de la femme synonyme de dépravation.
Le "bureau de la censure" est réputé pour être très conservateur. Ce dernier justifie l'interdiction du film par une vision "trop axée sur la femme et ses fantasmes, des mots abusifs" et de "la pornographie sonore". Dans une tribune parue dans le journal britannique The Guardian, la réalisatrice s'insurge "d'être réduite au silence" et assure vouloir se battre pour son film soit diffusé en Inde.
Au pays de la plus grande industrie cinématographique, la censure est une tradition bien ancrée. Lorsque l'on regarde la télévision, les scènes jugées trop choquantes de certains films sont parfois totalement supprimées quitte à entacher la compréhension de l’histoire. Ce sont des scènes de nudité ou bien les scènes trop violentes. Les autorités indiennes contrôlent ainsi rigoureusement la liberté de création, une arme redoutable.
Moonlight, Oscar du meilleur film cette année, s'est aussi attiré les foudres de la censure indienne. Le film initiatique de Barry Jenkins sur un personnage homosexuel issu des ghettos noirs américains devra se plier à ses exigences pour obtenir son précieux visa d'exploitation. Le distributeur devra aussi retirer le langage cru des protagonistes, supprimer les scènes de sexes et les baisers entre hommes. Au pays de Bollywood, qu'importe le talent pourvu que la pudeur l'emporte.
Lucille Guenier