Au cours des 17 derniers mois, 2.234 Indiens ont contracté le virus du sida lors de transfusions sanguines réalisées à l'hôpital. Un scandale qui met en lumière le manque de précaution dans nombre d'établissements de santé publics du pays.
"Ce sont les chiffres officiels, mais je pense que le véritable chiffre est deux à trois fois plus élevé", explique Chetan Kothari, dans une interview à la BBC. Cet activiste indien a obtenu de l'Organisation Nationale de Contrôle du Sida (National Aids Control Organisation) ces inquiétantes statistiques.
En Inde, la loi oblige pourtant les hôpitaux à effectuer un test pour détecter chez les donneurs l'éventuelle présence du sida, des hépatites B ou C, du paludisme ou d'autres maladies infectieuses.
"Chaque test coûte environ 1.200 roupies (16 euros), et la plupart des hôpitaux en Inde ne possèdent pas l'équipement nécessaire pour réaliser ces examens", explique Chetan Kothari. Selon lui, "même dans des grandes villes comme Bombay, seuls les établissements privés possèdent ce type d'équipement."
Les dérives du "marché du sang"
Dans un pays qui compte 1,3 milliard d'habitants, les besoins en sang sont immenses. En 2014, il manquait à l'Inde quatre millions de poches de sang : 25% du stock nécessaire. En cause, un nombre trop restreint de centres de dons mais aussi des problèmes liés aux castes. En Inde, les personnes appartenant aux castes supérieures peuvent avoir du mal à accepter le sang de personnes de certaines castes inférieures.
La demande est tellement forte qu'un marché illégal du sang s'est développé. En 2008 par exemple, à la frontière avec le Népal, les autorités ont démantelé un réseau où des migrants étaient forcés par des trafiquants à donner leur sang.
Le sida est une maladie taboue en Inde
En Inde, selon les statistiques officielles, près de deux millions de personnes sont atteintes du VIH. "Mais ce chiffre est largement sous-estimé", explique à France 2 James Veliath, de la fondation NAZ qui s'occupe de personnes atteintes du sida.
Grâce à des actions du gouvernement et d'associations, le nombre de personnes infectées a tout de même baissé depuis les années 1990 : ils étaient à l'époque plus de 5 millions à être atteints par le virus. Mais la situation est particulièrement difficile dans les campagnes où le dépistage et l'accès aux soins sont quasiment inexistants. Dans les grandes villes, où cet accès est plus facile, les hôpitaux publics sont cependant surchargés.
Pour James Veliath, le sida reste également une maladie taboue en Inde : "il y a une forte stigmatisation des personnes atteintes par le VIH. Plus de 80% des transmissions se font par voie sexuelle, c'est ici vu par beaucoup comme quelque chose d'immoral".
Caroline Chauvet (St.)