Au milieu des treillis militaires, des rangers noires et des armes du Cachemire, le docteur Sandeep Mawa et son « Front de Réconciliation du Jammu et Cachemire » a voulu tracer un arc-en-ciel. Ajouter dans la marmite bouillante et crépitante de cette zone, sous tensions depuis 1947, un peu de miel. En faire, l'espace d'un instant, un territoire de bisounours...
La semaine dernière, dans l’extrême nord-ouest de l’Inde, plusieurs hommes affrontaient le froid de Srinagar, les yeux bandés. A côté d’eux, sur des panneaux on pouvait lire :
« Je suis un Kashmiri hindou/musulman/sikh. Je te crois, je te respecte. Il fait très froid… fais moi un câlin. »
Ce geste pacifique détonne dans une région en conflit depuis l’indépendance et la partition du territoire des Indes. Depuis 68 ans, les frontières sont disputées entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Sur ces territoires, quatre religions sont pratiquées : selon le recensement indien de 2011, le Christianisme (0,28%), le Bouddhisme (0,89%), le Sikhisme (1,9% environ), l’Hindouisme (28%) et l’Islam (68%). Quelques câlins pour aller à l'encontre des discours politiques qui attisent les conflits religieux dans cette région, briser la routine militaire en apportant un regain de fraternité...
« Votre pays, la France vient juste de commencer une guerre. Les tensions se propagent partout dans le monde... déplore Sandeep Mawa. Pourquoi encore avoir recours aux armes, pourquoi faire la guerre ? Faîtes la guerre à base de câlins si vous voulez, mais il faut arrêter ça ! »
Le docteur Sandeep Mawa est l’initiateur et le président du « Front de Réconciliation du Jammu et Cachemire », une association créée en juillet dernier qui rassemble déjà environ 20 000 membres. Si cette action peut rappeler celle réalisée par un français à Paris peu après les attentats du 13 novembre dernier, c’est pourtant d'un film bollywoodien de 2003 que Sandeep Mawa puise son inspiration : « Munna Bhai MBBS », une comédie dans laquelle un jeune apprenti médecin soigne ses patients grâce à son « câlin magique », faute de réelles compétences.
« Tout commence avec un balayeur, en colère contre les passants qui re-salissent sans cesse le passage. Le jeune médecin s’approche de lui et le prend dans ses bras. Et parvient à le calmer. Les gens autour s’en inspirent et tout le monde commence à s’enlacer, détaille Sandeep Mawa d’une voix enjouée. Voilà comment on change d’attitude ! Il faut un début à tout, il suffit de lancer le mouvement. »
Une pensée qui rappelle celle du Mahatma Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».
« La religion ne doit plus être utilisée comme un outil politique ; c’est l’humanité qui devrait être la base de toute politique »
Sandeep Mawa peut se réjouir : son action a déjà touché plus de 15 000 personnes, de toute religion, qui sont venues se serrer les unes contre les autres.
« Nous voulons être les messies de la paix pour toutes les religions. Nous avons envoyé un message au monde, estime le docteur. Nous devons répandre cette fraternité de par le monde… La religion ne doit plus être utilisée comme un outil politique ; c’est l’humanité qui devrait être la base de toute politique ! Il faut que l’ambiance globale se sécularise. »
Il se rendra milieu décembre dans la capitale où il espère s’entretenir avec le Premier Ministre, Narendra Modi, le Grand Imam Bukhari ainsi que Raul Gandhi, leader du Parti du Congrès indien. Si le succès est fulgurant dans sa région, Sandeep Mawa voit les choses en grand: il compte bien exporter beaucoup plus loin sa « campagne de câlins » en Syrie, en France et jusqu’aux Etats-Unis.
Amanda Jacquel (St.)