Guerre psychologique israélienne à Beyrouth

Des milliers d'habitants de la capitale libanaise ont reçu sur leur téléphone de mystérieux messages rapportant l’emplacement exact d’usines de missiles du Hezbollah. 

Le message, en arabe, ne porte pas de signature mais résonne comme un avertissement : « près de votre domicile, un site appartenant au Hezbollah a été identifié depuis un certain temps. Nous vous recommandons de prendre des mesures de précaution ». Une photographie satellite accompagne le texte. Au milieu de l’amas désordonné de maisons, typique des quartiers sud de Beyrouth, un bloc de trois bâtiments est encadré un rouge. La légende indique: « base de missiles ».
Ils sont des milliers de beyrouthins, habitant les secteurs de Laylaki, Hadeth et Baabda, place forte du Hezbollah, à avoir reçu ce message sur leur application Whatsap, dans la nuit de mardi à mercredi. Si l’organisation chiite libanaise s’est attirée de nombreux ennemis depuis son implication militaire en Syrie, difficile d’imaginer un autre expéditeur que l’armée israélienne, laquelle utilise souvent ce procédé à Gaza, en prélude à des bombardements.
Si l’Etat hébreu sait ce qui lui en coûterait d’ordonner des frappes au cœur de la capitale libanaise, qui plus est contre sa bête noire chiite, il tisse à l’évidence un argumentaire destiné à rendre légitime toute action future, de manière préventive ou dans le cadre d’un nouveau conflit contre le pays du Cèdre. « Israël cherche un prétexte pour nous attaquer », affirme le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a été le premier à sonner la charge. Fin septembre, à la tribune de l’ONU, il révélait - carte en main - l’emplacement de trois complexes présentés comme des fabriques de missiles du Hezbollah. Tous présentent la particularité de se trouver à proximité de l’aéroport international de Beyrouth, l’un des centres névralgiques du pays.
Régulièrement, les responsables israéliens dénoncent l’implantation d’infrastructures militaires du Hezbollah au cœur de zones résidentielles, le plus souvent au Sud-Liban, près de leur frontière. Mais leur campagne s’est accélérée ces derniers mois, sur fond d’informations alarmantes faisant état de la construction d’usines souterraines destinées à améliorer la précision des roquettes du Hezbollah dont l’arsenal avoisinerait, selon diverses sources de renseignements, les 100.000 projectiles. 
Plus qu’une ligne rouge, l’Etat hébreu y voit une « nouvelle donne » qui rendrait épouvantable le quotidien de sa population en cas de guerre face au mouvement chiite libanais. Pire, de telles capacités satureraient le bouclier antimissile israélien, lequel n’a pas été conçu pour contenir des salves ininterrompus de roquettes. « Neutraliser ce projet est notre priorité absolue », avait confié l’an passé le chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eizenkot.
Le nouvel entrepôt révélé cette semaine par Whatsap interposé, le quatrième en l’espace d’une semaine, se situe non loin de l’hôpital Saint Georges et de l’ambassade d’Espagne. Il ne sera sans doute pas le dernier site que dévoilera Israël pour embarrasser son voisin libanais et provoquer une éventuelle réaction de la communauté internationale.