Des informations parvenues à France 2 laissent entendre que Moustafa Baddredine, mort l’an passé en Syrie, a été liquidé par ses lieutenants. Sur ordre de Téhéran.
Ce 13 mai 2016, dans un faubourg sud de Beyrouth, il y a foule pour accompagner la dépouille de Moustafa Baddredine, enveloppée d’un drapeau jaune du Hezbollah. L’hommage est à la hauteur du choc qui vient d’ébranler la puissante organisation chiite libanaise, orphelin de son chef militaire en Syrie. La veille, Baddredine périssait dans une mystérieuse explosion attribuée aux groupes djihadistes, à quelques encablures de l’aéroport de Damas. Dans un communiqué, le Hezbollah invoque alors des tirs d’artillerie. Le secteur est pourtant sous le contrôle du régime syrien et ultrasécurisé. Il abrite même une forte concentration de combattants chiites issus des milices iraniennes.
Etonnement, aucune faction rebelle ne s’enorgueillit de ce qui pourrait s'apparenter à un exploit militaire. Que pourraient-elles d’ailleurs revendiquer quand leurs premières positions dans la Ghouta ne se situent qu’à une dizaine de kilomètres ? Le 14 mai, le journal libanais Al Akhbar accentue un peu plus le doute en publiant un rapport d’autopsie. On y apprend que Baddredine était accompagné de trois personnes, dont son garde du corps, et qu’il est le seul à avoir trouvé la mort. En outre, aucune trace d’explosif ne semble avoir été retrouvé sur les lieux de l’investigation. Ces éléments troubles accréditent la thèse d’un assassinat.
Près de neuf mois après les faits, la chaine Al-Arabiya vient de publier les résultats d’une enquête retentissante. Cette dernière pointe un doigt accusateur en direction du cheick Hassan Nasrallah, leader spirituel du Hezbollah, et du général Qassam Soleimani, l’homme de main des Iraniens en Syrie. Un cadre des Gardiens de la révolution. D’après des témoignages rapportés par Al Arabiya, ce dernier aurait été aperçu en train de quitter les lieux où Moustafa Baddredine a été tué. A cet instant, des hommes du Hezbollah bouclent le périmètre, interdisant même l’accès à des hauts gradés de l’armée syrienne.
L’enquête du média arabophone fait état des relations tendues, parfois de défiance, entre Baddredine et Soleimani. L’égo en serait le premier responsable. Le général Soleimani veut diriger seul la reconquête du territoire syrien, au mépris des sacrifices menés par les unités opérant sous le commandement de Baddredine. Elles enregistrent alors de lourdes pertes sur le champ de bataille. Toutes ces informations nous ont été confirmées par des sources occidentales.
Mais il y a peut être d’autre motifs qui ont fait du chef militaire du Hezbollah un personnage bien encombrant. Déjà présenté comme l’un des cerveaux des attentats de Beyrouth en 1983 - ils coutèrent la vie à 241 soldats américains et 58 parachutistes français -, Moustafa Baddredine aurait du être un témoin clé du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé de faire la lumière sur la mort de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Et pour cause, le chef du Hezbollah n’était autre que le suspect numéro un de cet assassinat survenu en 2005.
Rien de surprenant, donc, à ce que Nasrallah décide de l’envoyer sur le champ de bataille syrien en 2013. Au moment où son organisation était vivement critiquée pour son engagement aux cotés d'Assad, une condamnation de Baddredine lui aurait indéniablement porté un nouveau préjudice, aussi bien sur la scène libanaise qu’internationale. Après sa mort, le TSL a renoncé à le juger.
Suivez France 2 Moyen-Orient sur Facebook