Transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, projet d’annexion de Maalé Adoumim, révision de l’accord sur le nucléaire iranien, le gouvernement Netanyahou espère beaucoup de la nouvelle administration américaine. Sauf que ces dossiers, explosifs, invitent plutôt Washington à la prudence.
D’emblée, la Maison Blanche version Donald Trump préfère calmer le jeu. Dimanche soir, quelques minutes après un entretien téléphonique avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou, des proches du président républicain laissaient entendre que l’enthousiasme affiché par la droite israélienne était prématurée. Ainsi, l’éventuel transfert de l’ambassade américaine, promesse électorale de Trump, n’en serait qu’au stade des discussions préliminaires, sous entendant qu’une décision sur le sujet ne serait pas entérinée à court terme.
Techniquement, rien n’empêche les responsables américains de joindre les actes aux paroles. Plusieurs sites auraient déjà été inspectés dans la partie ouest de Jérusalem et une loi, approuvée par le Congrès en 1995, autorise la relocalisation de l’ambassade dans la ville sainte, reconnue implicitement comme la capitale d’Israël depuis cette date. Cette perspective provoque l’ire des Palestiniens. Jibril Rajoub, un proche du Président Mahmoud Abbas, évoque une « déclaration de guerre », tandis que le Hamas et le Jihad islamique menacent de faire payer l’Etat hébreu pour ce « crime ».
Pour l’heure, les services de sécurité israéliens, convoqués ce week end par Benyamin Netanyahou, ne décèlent aucun préparatifs laissant craindre un embrasement sur le terrain, y compris dans la bande de Gaza. Mais ils laissent entendre que la dimension religieuse de Jérusalem pourrait constituer un facteur aggravant comme en septembre 2015, lorsque l’«Intifada des couteaux» a été déclenchée en réaction à l’intrusion de fidèles juifs sur l’esplanade des Mosquées - ou Mont du Temple pour le juifs -, lieu saint commun à l’islam et au judaïsme.
L’autre scénario redouté conduirait à une série de mesures allant du démantèlement de l’Autorité palestinienne par Mahmoud Abbas à l’abrogation des accords d’Oslo, signés en 1993. Ces décisions auraient pour conséquence immédiate la non-reconnaissance d’Israël et l’arrêt de la coopération sécuritaire en Cisjordanie. Nul doute que l’administration républicaine ne souhaite pas porter la responsabilité d’un tel chaos, alors même que Donald Trump a exprimé le souhait de jouer un rôle dans le règlement du conflit au Proche-Orient.
L’ultradroite joue la surenchère
Benyamin Netanyahou ne s’en offusquera pas. Pour lui, d’autres dossiers sont plus urgents, comme la révision de l’accord sur le nucléaire iranien et la nécessité de limiter l’emprise de la République islamique en Syrie - via le Hezbollah libanais, perçu actuellement comme la plus grande menace militaire pour l’Etat hébreu. Loin de la défiance affichée pendant la présidence d’Obama, le chef du gouvernement israélien a fait savoir qu’il « coordonnerait » toute action à venir avec Donald Trump qu’il devrait d'ailleurs rencontrer à Washington au mois de février.
En attendant ce premier sommet officiel, Benyamin Netanyahou tente de canaliser les ardeurs de certains membres de sa coalition, à l’instar du ministre Naftali Bennett. Le chef de file du Foyer juif, à droite du Likoud, tente d’accélérer le vote d’une loi dite «de l’annexion» de Maalé Adoumim, la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Simple avant-poste en 1979, c'est aujourd’hui une ville moderne de près de 40.000 habitants. Objectif de l’ultra-droite: son rattachement à Jérusalem qui priverait le futur Etat palestinien de toute continuité territoriale - et remettrait en cause son existence.
Le débat autour de cette proposition de loi, initialement prévue cette semaine à la Knesset, a finalement été repoussé d’au moins plusieurs semaines à la demande de Benyamin Netanyahou. Certaines sources laissent entendre que Washington l’a prié de ne pas « surprendre » la nouvelle administration américaine. A présent, Naftali Bennett le somme de « choisir entre la souveraineté et la Palestine », et affirme qu’une opportunité historique s’offre à Israël.
En coulisses, la pression se fait également plus forte. Certains ministres tenteraient d’obtenir de « Bibi » qu’il renonce publiquement au discours de Bar-Ilan - prononcé en 2009, quelques mois après son investiture. Autrement dit, à la «solution de deux Etats» à laquelle il s’était alors engagé. Le Premier ministre israélien, pris en tenailles par ses « ultras », assure devant ses partisans n’être disposé à offrir qu’un « mini-Etat » aux Palestiniens. Il promet aussi un vaste plan de logements dans les grands blocs d’implantations juives. En espérant, là aussi, recevoir la bénédiction de Donald Trump.
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